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Plan B, le piège des attentes élevées

Plan B Photo: Série+

Un des trucs qui m’agace de patauger dans le bassin des critiques et des journalistes artistiques au Québec, c’est quand la chronique devient, de par sa nature, un agent de promotion plus qu’un outil d’observation et d’analyse.

Prenons l’exemple récent de la série Plan B qui, jeudi, présentait le dernier épisode d’une brève saison de six.

Les médias ont reçu les deux derniers épisodes d’avance et, depuis, ils nous en parlent sans toutefois vendre la mèche. Ainsi se multiplient les textes qui nous parlent d’une finale-choc, surprenante, mais il ne faut pas vendre la mèche.

Donc, on ne dit rien,  sauf un avertissement aux téléspectateurs : vous allez être surpris.

En se plaçant ainsi entre la série et sa réception par le public, le critique devient un rouage essentiel de la promotion de ladite série. Il n’est, ni plus ni moins, qu’une publicité.

Ça m’agace, mais je comprends aussi que ça fait partie de la game. Tu me grattes le dos et je vais éventuellement gratter le tien en retour. Sauf que là où j’ai un certain malaise, c’est au niveau de la gestion des attentes.

Je m’explique.

En publiant une critique très vague d’une finale, par exemple, deux semaines avant sa diffusion, le chroniqueur derrière le texte crée des attentes. Ceux qui aiment déjà une série seront encouragés à poursuivre jusqu’à la fin pour vivre la surprise et les détracteurs seront agacés au point de ne pas forcément se rendre jusqu’au bout.

On ne convertit personne en faisant l’éloge d’une production qui n’est pas disponible pour se faire une tête. C’est pourquoi je préfère attendre les diffusions avant de me prononcer même si, malheureusement, je tombe dans le piège des attentes, comme c’est le cas avec Plan B.

Avant même le premier épisode, je m’attendais à une production de qualité. Quelque chose comme la série du printemps selon certains de mes collègues. J’avais des attentes, je n’avais pas la tête vide afin de recevoir cette proposition.

Mes premières impressions étaient donc teintées d’amertume, car je me retrouvais une fois de plus devant une série québécoise où un «gagne-petit», égocentrique, mou et un peu beige, se fâche de devoir subir son quotidien.

Pour moi, malgré l’ajout d’une dimension fantastique avec le voyage dans le temps, c’était un peu la même poutine que d’habitude. Un véhicule minimaliste pour faire briller le jeu de nos bons comédiens avec un texte prudent, des situations familières et des enjeux somme toute assez convenus.

On se propulse six semaines vers l’avant et mon amertume n’est jamais complètement partie. J’avais fait l’exercice d’essayer de prévoir la finale de la série après le premier épisode en écrivant les grandes lignes que j’imaginais en fonction de ce qu’on me présentait. Dans mes notes, j’ai inscrit ceci : «Philippe finira par se sacrifier lui-même pour le bien-être de ceux qu’il aime».

J’étais vague, évidemment, parce que c’est souvent dans les détails qu’on se distingue, mais je voyais déjà les indices d’une certaine paresse au niveau de l’écriture parce que le risque, au Québec, ne reçoit pas de financement, donc il ne se pointe que très rarement à l’écran.

Louis Morissette, malgré sa grande gueule rafraîchissante dans nos médias, ne fait pas exception. Il sait jusqu’où il peut risquer la mise et il sait surtout comment remplir sa proposition de valeurs attrayantes.

Donc oui, Plan B était une série de qualité, une bonne série même, mais comme je disais après le premier épisode, on ne parlera pas d’une série marquante ou d’une grande série dans quelques années. Elle s’effacera au fil du temps et il n’y aura pas un service 1-800 pour la revivre ad nauseam.

C’est le cercle vicieux des attentes et de la promotion abondante – on se peinture forcément dans un coin.

Comme disait Public Enemy à l’époque : « Don’t Believe the Hype ».

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