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Fugueuse, provoquer l’auditoire avec de gros sabots

Jean-François Ruel et Ludivine Reding dans Fugueuse Photo: TVA

Depuis deux semaines, TVA nous dévoile sa nouveauté percutante de l’hiver, Fugueuse, de la même équipe responsable de la troublante série Pour Sarah en 2015.

Le diffuseur retrouve ainsi une voix familière et le public aussi, d’une certaine façon, même si le sujet n’est pas le même.

Ici, on nous présente la jeune Fanny, 16 ans, campée brillamment par Ludivine Reding. La jeune fille de la banlieue de Montréal mène une petite vie banale avec ses amis, l’école et ses projets quand, du jour au lendemain, elle est séduite par un proxénète et se retrouve prisonnière d’une spirale infernale qui la mènera là où elle n’aurait jamais osé s’imaginer.

En attaquant de front de nombreux sujets chauds, l’auteure Michelle Allen nous propose quelque chose comme un guide réaliste vers la dérive ordinaire.

Ici, pas de familles brisées ou de surenchère dramatique pour «beurrer épais». On mise sur la banalité d’une situation pour rendre percutant le contraste entre les univers.

Fanny, lors des deux premiers épisodes, est une adolescente influençable et impulsive. Rien d’anormal. Sauf qu’on nous laisse présager le pire dans son cas et la série installe tout doucement son piège autour de sa jeune protagoniste et, plus tôt que tard, parions que le portrait de Fugueuse ne sera pas aussi séduisant.

Ça, c’est la promesse sur papier et c’est aussi pourquoi je vais poursuivre mon visionnement de la série. Le récit couché sur les pages par Allen est réellement intrigant et déstabilisant.

Le problème, c’est que la réalisation d’Éric Tessier est lourde, étouffante et souvent maladroite. On sent les nuances du texte, des personnages, mais on les dévoile à l’écran dans une formule dénuée de subtilité et je dois avouer que ça m’agace.

On dirait qu’on n’exploite pas le plein potentiel du récit en misant trop sur la forme au lieu du fond.

C’est quand même dommage parce qu’il y a de nouveaux visages particulièrement crédibles dans Fugueuse. En plus de Reding, une révélation, il y a le rappeur Yes Mccan (des Dead Obies) dans le rôle d’un proxénète charismatique qui crève l’écran. Autour de cette solide paire, on pourrait placer des pions et faire fleurir ce récit jusqu’à son paroxysme, mais Tessier s’entête à désamorcer sa montée dramatique avec des sauts vers l’avant et de la nudité semi-gratuite pour montrer la perversion de cet univers alors qu’on le comprendrait rapidement sans ça.

On dit vouloir être réaliste, mais il ne faut pas non plus jouer à l’autruche et ne pas voir ici un raccourci pour créer des sensations fortes auprès d’un auditoire avec l’impression de voir une réelle adolescente à l’écran alors que Reding est dans la jeune vingtaine.

C’est une réserve qui m’empêche de pleinement apprécier cette nouveauté qui fera beaucoup jaser, surtout qu’on nous promet des scènes et des situations difficiles lors des prochains épisodes.

Aucun doute que c’est important de faire de la télévision qui brasse la cage en confrontant son auditoire, mais quand c’est fait avec aussi peu de doigté, ça s’approche plus de la télévision trash que de la télévision qui fait réfléchir. Disons que Fugueuse joue présentement sur la ligne et la force du texte sauve la mise pour l’instant malgré quelques situations invraisemblables.

Il n’y aura qu’une seule saison à Fugueuse, nous allons donc pouvoir rapidement juger l’ensemble et la pertinence de la production dès la fin de sa première diffusion.

Si je devais faire une prédiction, je n’ai pas l’impression que la réalisation de Tessier sera plus sobre et subtile quand viendra le temps de nous montrer les travers de cet univers, notamment quand la jeune fugueuse devra répondre aux attentes de son nouvel entourage.

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