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Se préparer à une télé sans Musique Plus

Paul Sarrasin en 1987 Photo: Pierre Roussel / Musique Plus

C’était écrit dans le ciel depuis quelques années déjà : Musique Plus est appelé à mourir. Pour l’instant laissée sur le respirateur artificiel, ce n’est qu’une question de temps avant qu’on ne donne le « go » pour débrancher la station musicale qui influence le paysage de notre télévision depuis 1987.

Avec la mort annoncée de la station, on perd plus qu’une fenêtre sur la musique d’ici et d’ailleurs – on perd aussi une grande école de télévision pour les talents d’aujourd’hui et de demain. La liste de personnalités ayant fait ses classes à M+ est impressionnante, encore plus impressionnante que celle de l’école Watatatow pour les comédiens.

Sans Musique Plus, pas de Véro, Borne, Rajotte, Chéli, Benezra, Talbot et j’en passe. Sans ce laboratoire ludique, plus permissif, pas moyen de peaufiner son art sans devoir affronter le regard critique d’un public plus exigeant sur les grandes chaînes. Sans ce carré de sable, pas moyen de savoir qui de nos jeunes créateurs peut faire évoluer la télévision.

La station n’était pas sans ses défauts, surtout dans la programmation des dernières années, mais l’esprit adolescent, un peu baveux, était essentiel à notre télévision. Une façon douce de rappeler aux « grandes stations » que la télévision n’est pas prise dans le béton, qu’elle doit aller de l’avant. Malgré les assauts répétés de l’internet, on peut faire de la télévision qui parle aux jeunes – quand on laisse des jeunes prendre le micro.

Qui plus est, quelle était la motivation de V et des frères Rémillard d’acheter la station si ce n’était que pour l’amener derrière la grange afin de l’achever? À part quelques efforts timides, à peine soutenus, nous n’avons jamais senti le désir d’élever Musique Plus pour le 21e siècle. Avec une grille obstruée par toutes ces télé-réalités en surimpression vocale, impossible de faire briller le talent d’ici.

Pour chaque laboratoire comme Ce Show ou Buzz, on doit se farcir une 56e rediffusion d’un épisode de Pimp my Ride datant de 2004. C’est navrant.

Pourquoi ne pas avoir maximisé les ressources de la chaîne et ses contacts avec notre industrie? Des captations de concerts en direct, converties en spécial sur DVD et sur iTunes. Du même coup, on produit de la télé, du web et de la musique sans délier les cordons de trois bourses différentes. Idem avec des spectacles humour, pourquoi ne pas le faire? Des jeunes de la relève qui n’attendent qu’un peu d’opportunité, il en pleut. Musique Plus était l’endroit idéal pour eux. Au lieu de les cacher à 23h00 les soirs de semaine, pourquoi ne pas les mettre à l’avant-plan les soirs de fin de semaine?

Il y avait des manœuvres simples et peu coûteuses que Musique Plus auraient pu faire afin de rendre la station pertinente de nouveau, mais la volonté n’y était pas.

Sans accuser personne – j’ai l’impression que Musique Plus a été acheté par V afin d’absorber un compétiteur et réutiliser quelques éléments/individus sur la chaîne mère. C’est quand même dommage. Vu la petitesse de notre panorama télévisuel, c’est un peu absurde de le réduire encore plus en dépensant des sous pour mettre un frein à la diversité.

C’est un non-sens. Tout comme la fermeture de Musique Plus est un non-sens. Un mandat, ça se renouvelle, ça s’actualise. Les vidéoclips à la télé ne sont peut-être plus nécessaires, mais la musique à la télé, elle, oui. La relève à la télé, c’est vital. L’audace, l’arrogance des jeunes premiers, c’est nécessaire pour éviter la complaisance.

Musique Plus, avec tous ses défauts, était le remède au marasme qui nous guette culturellement parlant.

On doit maintenant se préparer à une vie sans Musique Plus et j’ai un peu peur pour notre télévision. Ce n’est certainement pas une fausse télé communautaire comme MATV qui encouragera l’audace de nos jeunes créateurs. D’où viendra la délinquance si l’éternel ado de notre télé n’existe plus?

Il n’y a pas d’avenir sans jeunesse, ne l’oublions pas.

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