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Le corps humain, un nouvel Eldorado

Photo: Getty

Les «pièces détachées humaines» se vendent bien dans le monde. Os, tendons, peau, cornées, cartilages, valvules cardiaques. Tout est recyclé pour engranger des sous.

Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a fait vendredi les manchettes grâce à ses révélations sur l’évasion fiscale. Tant mieux. Dommage que son enquête de l’an dernier sur le marché des «tissus humains» soit passée inaperçue dans la radiographie médiatique.

Basé à Washington, le réseau de journalistes d’investigation (160 reporters dans une soixantaine de pays, dont le Canada) a mis à nu une filière clandestine ukrainienne alimentant les États-Unis en «produits dérivés» retirés sur des cadavres.

Skin and Bone présente notamment une vidéo (icij.org/tissue/video) de 9 min 30 s aux images insoutenables : des particules de peau découpées en rectangle, placées dans des bocaux étiquetés avant d’être exportées pour gonfler les lèvres, lisser les rides ou accroître la taille du pénis.

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La marchandisation des restes humains a beau être prohibée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), c’est un commerce florissant de plusieurs millions de dollars. Les besoins médicaux augmentent sans cesse. Les dons d’organes ne sont pas assez élevés. La demande est désormais supérieure à l’offre. Rien d’étonnant de voir exploser un trafic juteux.

Un corps, non malade, peut se vendre 200 000 $. Une bonne matière première pour les patients riches. Permettre aux morts d’aider les vivants à survivre ou à avoir une meilleure qualité de vie est en soi louable, mais les «tissus» doivent être collectés de manière légale et éthique dans le but, notamment, d’en établir la traçabilité.

«Il existe des codes-barres pour les céréales de notre petit déjeuner, mais pas pour les tissus d’origine humaine», se plaint un médecin interviewé par l’ICIJ lors de son enquête menée dans 11 pays pendant 8 mois.

À cause du manque de réglementations internationales, des bénéficiaires de greffe pourraient être contaminés par les virus de l’hépatite ou du sida.

L’enquête de l’ICIJ a été accueillie dans l’indifférence générale. Le commerce de restes humains sur fond de crimes et d’exploitation de la misère n’est pas nouveau. À cela s’ajoute le «tourisme médical» en Inde, au Brésil, en Afrique du Sud ou en Russie, notamment, où la «matière première» commandée à l’avance attend le patient pour la transplantation payée à fort prix.

«Un cadavre : produit fini dont nous sommes la matière première.» Peu importe le contexte dans lequel il a prononcé cette phrase, Ambrose Bierce, un obscur journaliste américain du XIXe siècle, avait raison.

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