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Le selfie: narcissique ou symbole d’une révolution?

Le culte du selfie, de l’égoportrait: cette tendance si répandue à se prendre soi-même en photo avec un appareil mobile. Sommes-nous une société narcissique, esseulée ou révolutionnaire? Cet intéressant papier de Aurélien Vers publié dans l’Obs mentionne que nous n’avons rien compris aux selfies. Selon une étude de André Gunthert, de la chaire d’histoire visuelle à l’École des hautes études en sciences sociales, le selfie serait au contraire une façon d’hypercontextualiser une situation que l’individu vit, qui signifie «j’étais ici, en voici la preuve».

L’article aborde neuf aspects:

  1. Le selfie n’est pas récent
  2. Le selfie n’est ni futile, ni vide de sens: c’est de l’hypercontextualisation
  3. Le selfie devant la Joconde témoigne d’une forme de respect
  4. Dans le selfie, l’image n’est pas le plus important: c’est la conversation
  5. Le selfie choque, car il incarne la désacralisation ultime de l’image
  6. Le selfie n’est pas un acte narcissique
  7. Le selfie n’est pas laid
  8. Le selfie bouscule avant tout l’élite
  9. Le selfie est une révolution. De l’iconographie, mais surtout de la société

Ces affirmations peuvent engendrer plusieurs discussions. Quelle est l’intention de l’auteur? Un geste narcissique? Un souvenir à retenir? Une façon de rire de soi? Le partage d’un moment vécu? Chaque intention se vaut, c’est davantage la façon dont l’auditoire le reçoit qui module cette intention initiale. La nature même des médias sociaux, dont les comptes utilisateurs exigent un avatar, impose cette notion d’autoreprésentation, sous différentes formes: réalistes, figuratives, camouflées, dessinées, iconographiques.

Le principe n’est pas nouveau. L’article cite en référence le film Thelma et Louise où les protagonistes immortalisent leur roadtrip à coup de photos d’elles-mêmes, prises par elles-mêmes.

Susan Sarandon et Geena Davis dans "Thelma et Louise" de Ridley Scott (1991)

Nous nous souviendrons des selfies de singe du photographe animalier David Slater, les premiers selfies non-humains répertoriés, qui, à l’époque avait soulevé toute une controverse au sujet du droit d’auteur.

Selfie d'un singe

Le selfie le plus populaire de l’histoire demeure celui publié par Ellen DeGeneres lors de la cérémonie des Oscars de 2014, avec plus de 3 millions de retweets.

https://twitter.com/TheEllenShow/status/440322224407314432/photo/1

Sur Instagram, plus de 322 085 455 publications sont répertoriées sous le mot-clic #Selfie

Le selfie à travers les âges

Le selfie est, quand on y pense, un autoportrait, une représentation de soi-même, captée par soi-même. Je me suis posée la question : en quoi cela diffère-t-il des peintres des derniers siècles qui se représentaient sur une toile avec leurs pinceaux? L’histoire de l’art est parsemée de peintres et de sculpteurs ayant exécuté des portraits d’eux-mêmes. Que l’on pense aux autoportraits de Van Gogh, à ceux de Picasso ou de Frida Khalo; les artistes se représentent depuis la nuit des temps. Le plus vieil autoportrait serait attribué à Jan van Eyck et daterait de 1433!

À la différence des artistes, la notion d’autoportrait n’est plus réservée exclusivement à l’élite, tout individu est susceptible de capter son visage, en contexte ou non, et de l’exposer, sur les réseaux sociaux ou ailleurs. Si ceux-ci ont une certaine durée de vie de par leur présence numérique, la notion d’autoportrait se modifie avec des réseaux comme Snapchat où l’éphémère prédomine. Le néologisme «égoportrait» influence également la perception de cette nouvelle forme d’autoportrait, donnant du coup une connotation très forte vers la culture du soi, de l’individu qui se met en scène.

Le rapport à la photo numérique, dont l’autoreprésentation, est aussi abordé dans le cadre du Mois de la photo de Montréal, qui se déroule jusqu’au 11 octobre 2015 sous le thème «La condition post-photographique», sous la direction de Joan Fontcuberta, commissaire invité.

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