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«Merci d’y voir, svp»

Dimanche dernier, le chanteur Yann Perreau a enflammé les réseaux sociaux à la suite d’un tweet particulièrement maladroit. «@DenisCoderre @stm @schnobb lui, ça passe, à la limite. Mais les fumeurs de crack dans l’ascenseur, c’t’ordinaire. Merci d’y voir, svp», pouvait-on lire, au-dessus d’une photo d’un itinérant allongé sur le sol. S’en est suivi une longue publication sur Facebook pour tenter de corriger le tir et d’offrir une mise en contexte. Dans ladite publication, le chanteur propose à la Ville de Montréal d’investir dans la lutte contre l’itinérance pour le 375e anniversaire de Montréal. Pas une mauvaise idée, surtout quand les organismes communautaires martèlent sans cesse que Québec et la Ville de Montréal n’en font pas assez pour les personnes en situation d’itinérance.

Dans une annonce faite lundi, Ottawa annonçait qu’il allait injecter des fonds pour la création de nouveaux logements sociaux. Des fonds très attendus, puisque selon Adis Simidzija, intervenant auprès de personnes en situation d’itinérance, les logements sont encore la priorité au Québec. C’est aussi un grand soulagement pour les organismes communautaires qui ont souffert à cause de la «responsabilité» et de la «rigueur budgétaire» du gouvernement Couillard.

En mars 2015, la Ville de Montréal comptait 3016 itinérants, en faisant abstraction de l’itinérance dite «cachée». Près de 10% d’entre eux étaient des Autochtones et des Inuits, et 6% étaient des anciens combattants. Si les différents paliers de gouvernement ont le devoir de construire des logements sociaux, ils ont aussi le devoir de resserrer le filet social. Si le gouvernement du Québec était aussi rigoureux en santé mentale qu’il prétend l’être en économie, nous n’aurions pas autant de gens dans les rues, j’en ai l’intime certitude. Quant aux services en santé mentale dans les communautés autochtones et inuites, il suffit de lire le rapport du coroner sur les récents suicides à Uashat mak Mani-Utenam et de compter le nombre de personnes qui se sont jetées en bas du pont de Waswanipi pour constater que tout reste à faire.

Il y a aussi ce rapport crasse que nous entretenons avec les personnes itinérantes. La période des Fêtes en témoigne chaque année, lorsque nos fils d’actualité Facebook sont truffés de vidéos de pseudo-héros comme François Paradis, Casey Fratta ou David Obegi qui se filment avec des gens dans le besoin pour des «j’aime» et du capital de sympathie. La déshumanisation de ces individus est rendue tellement loin qu’elle banalise certains gestes comme celui de Yann Perreau, qui a photographié un itinérant, à son insu, pour interpeller la STM. Si on veut réellement faire tomber les barrières psychologiques, un grand travail d’information est nécessaire. Comprendre les causes de l’itinérance et prendre connaissance du système dont ces gens sont victimes. Le Centre d’amitié autochtone de Montréal organise souvent des activités offertes à tous, aussi. Ces gens ne mordent pas, je vous jure.

J’habite Montréal depuis juillet et je résidais dans le Village jusqu’à tout récemment. Je pense que je ne me suis jamais vraiment habituée au nombre d’itinérants que je croisais chaque jour. Ça fesse. Ça fesse quand ton peuple est surreprésenté parmi ceux-ci. Ça fesse encore plus quand ton cousin en fait partie.

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