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Le côté sombre d’Hydro-Québec

Photo: Archives Métro

Nous sommes mardi matin. J’écoute paisiblement les nouvelles à la radio, en essayant d’oublier que je suis pognée dans le trafic. C’est alors que l’animateur radio prononce des mots à faire dresser le «pouèle» sur le dos de n’importe quel Autochtone: «Plus de barrages.» Celui-ci rapporte les propos du gouvernement Couillard à l’annonce de son plan pour réduire la dépendance des Québécois au pétrole. La croyance que l’hydroélectricité ne pose pas de risques pour l’environnement est très répandue et très fausse.

Là où vous voyez les plus grandes réussites du Québec dans le développement du territoire, on y voit surtout de grandes cicatrices dans la roche. Des balafres avançant vers le sud qui semblent ne plus finir et d’amers souvenirs de l’époque Bourassa. En regardant le plan de 1,5G$ du gouvernement, Patrick Bonin de Greenpeace a eu la même réaction : «On ne comprend pas non plus l’obsession de revenir avec des grands projets de barrage, des mini-centrales. […] Ce sont des moyens de produire de l’électricité qui restent très dommageables pour l’environnement.» Un barrage nécessite l’inondation d’un territoire. La végétation en décomposition dans l’eau produit alors du mercure de méthyle, qui contamine les espèces aquatiques. Les communautés autour de la Grande Rivière ont été examinées, et 38% de la population étudiée souffrait moyennement ou grandement d’empoisonnement au mercure en raison de leurs habitudes de pêche. Un empoisonnement sévère peut causer la cécité et rendre les femmes stériles. En 1985, les Cris de Chisasibi ne pouvaient même pas manger de poisson. Un changement aussi radical de diète a d’ailleurs grandement contribué aux problèmes de diabète et d’obésité de la communauté.

Cette glorification d’Hydro-Québec me rappelle aussi un bien drôle de texte que j’ai lu en août 2016. Dans celui-ci, les auteurs disaient: «Si ces forces tranquilles surprennent par leur ampleur, elles étourdissent, quand on en connaît l’histoire. Des hommes et des femmes largués au milieu d’une terre de Caïn avec comme seul objectif la construction de cathédrales des temps modernes.» Mais trop souvent, c’est l’histoire des Cris – peuple que nos deux auteurs n’ont même pas eu la décence de nommer – qu’on oublie dans cette «aventure de la Baie-James». On oublie nos aînés qui ont été forcés de discuter de choses qu’ils ne connaissaient pas dans des mots qui n’existaient même pas en iinu-aimun. On oublie ceux qui sont arrivés à leur camp d’été pour constater que leur territoire avait disparu sous l’eau. On oublie les nôtres qui se sont effondrés à genoux durant l’inauguration des barrages. «Je viens de voir
la rivière mourir.»

Construire des barrages pour construire des barrages n’est pas une solution.

Les négociations du projet Grande-Baleine dans les années 1990 en constituent un bel exemple. Si ce projet n’était pas justifié sur le plan économique et énergétique, il l’était encore moins sur le plan environnemental et social. Vous pouvez remercier les Autochtones de s’y être opposés. Histoire de ne pas exacerber les tensions, il serait plus sage de respecter nos droits et de se tourner vers d’autres énergies.

Pour lire Jocelyn Caron et ses violons sur Hydro, c’est par ici

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