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La belette

J’ai eu 22 ans le 22 mai passé. J’ai passé ma fête sur la route, je n’ai pas eu de gâteau de fête et j’étais loin de ma famille et de mes ami(e)s. En une journée, j’ai réalisé à quel point le stress des dernières années pouvait se voir sur mon visage et j’ai paniqué à la vue de mes rides dans le front. Je vieillissais pour vrai. Ma job de bureau, ma vie rangée et le fait que j’ai demandé une balayeuse Dyson à Noël me faisaient sentir soudainement matante. Une crise existentielle d’une journée et une pinte de crème glacée plus tard, j’ai repris sur moi et j’ai pensé à ma mère, qui vieillit si bien.

Ma mère est tombée enceinte de ma sœur à 17 ans. Je ne sais pas trop comment, elle a réussi à concilier son rôle de très jeune maman avec tout le reste. Elle avait son propre appartement et ma grande sœur ne manquait de rien. Mom a toujours voulu aller à l’université, mais élever seule ses trois enfants était sa priorité. Ma mère est curieuse, veut tout savoir et pose énormément de questions. Sa soif de savoir lui a valu le surnom de «la belette» dans sa famille. Pendant 17 ans, elle a travaillé presque 5 mois par année, dans le fin fond du bois à la Baie-James, à faire des journées de 15 heures, 7 jours sur 7. Elle se donnait corps et âme à notre pourvoirie de pêche familiale pour que Félix, Stéphanie et moi puissions manger à notre faim, recevoir une bonne éducation et nous vêtir.

Nous avons dû vendre la pourvoirie et maman s’est tournée vers l’immobilier. Après des années loin des bancs d’école, elle a réalisé son rêve d’obtenir un diplôme d’études post-secondaires. Ç’a duré un certain temps, mais maman s’ennuyait du Nord, des découvertes. Lors de mes voyages au Nunavik, elle me demandait de prendre le plus de photos possible, car elle avait toujours rêvé de voir le territoire traditionnel des Inuit. À 51 ans, maman vient tout juste de revenir d’une run de trois semaines au Nunavik et a réalisé son rêve de petite fille. Même avec sa maladie des os, elle fait des journées de 15 heures dans un camp de prospecteur. Pensant fuir, ma mère s’est plutôt retrouvée, une fois de plus.

Avec le temps, elle a pris confiance en elle. Elle a encore soif d’apprendre, elle a retrouvé l’amour depuis maintenant 13 ans et son cœur s’est adouci. Elle a passé l’après-midi à me raconter ses premiers moments au Nunavik. Chaque jour, elle pêche «des cristi de grosses truites» dans la rivière, elle a vu des narvals lors d’un vol en hélicoptère et elle s’émerveille devant la toundra. Avec le temps, ma mère a appris à être heureuse et son parcours me rassure quant à mon avenir. Finalement, vieillir, c’est peut-être pas si pire que ça.

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