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Amour latéral

On m’a souvent dit que la meilleure arme du colonisateur était le colonisé lui-même. Cette affirmation résonne beaucoup chez moi, car le concept de violence latérale m’est familier depuis un bon moment déjà. Comme j’ai été élevée en dehors de ma communauté et que je suis métissée, les insultes sur mon identité rendaient mes visites plutôt difficiles. Puis, j’ai constaté que la violence latérale pouvait aussi se manifester dans les milieux militants et de travail. Ça m’a amenée à réfléchir à la provenance de cette violence et à sa façon de nous freiner dans nos efforts de décolonisation.

La Loi sur les Indiens et la colonisation sont en grande partie responsables des violences à l’intérieur d’une même communauté. Les commentaires qu’on m’a faits sur la pureté de mon sang viennent de quelque part. La Loi sur les Indiens est la seule loi au Canada qui classe les individus selon leur degré de sang. Le contexte social et historique du pays provoque une certaine haine envers le colonisateur et a mis la table pour qu’on jette son fiel sur les Autochtones métissés. Le changement forcé de nos structures sociales et de nos modes de gouvernance a aussi participé à la pérennité de la violence latérale dans nos organisations et dans nos communautés. On y trouve alors plus de violences envers les femmes et de compétition malsaine.

Nous sommes à une époque où de plus en plus de jeunes Autochtones intègrent les milieux universitaires. Beaucoup d’entre eux ont alors accès au militantisme dans de grandes organisations autochtones, comme l’Assemblée des Premières Nations du Canada. Ces milieux restent cependant peu accessibles pour beaucoup de jeunes et créent une élite autochtone, souvent déconnectée des besoins réels des communautés. Nous avons besoin de ces jeunes instruits, mais force est de constater que ceux-ci ne s’adressent pas assez aux jeunes en dehors des centres urbains. Ayant travaillé avec des jeunes dans les communautés, je peux affirmer que ceux-ci sont rarement au courant des initiatives de cette «élite» (dont je fais aussi partie) et qu’ils ne s’identifient pas à son discours. La compétition à l’intérieur des instances militantes rebute également beaucoup de jeunes et est une source de découragement qui nuit à leur implication. Ceux qui ont le privilège d’avoir facilement accès à ce genre de tribune doivent prendre un peu de recul, faire preuve d’humilité et cesser de regarder de haut ceux qui ont choisi une avenue différente. Nous devons aussi nous demander sérieusement si notre discours reflète réellement les demandes des gens moins privilégiés qu’on prétend représenter.

La violence latérale est toxique. Nous faisons face à tellement d’oppression venant de l’extérieur, nous n’avons pas besoin de nous infliger ça entre nous. Les communautés et les organisations autochtones devront se responsabiliser et s’attaquer à ce problème grandissant qui gangrène des espaces où on devrait se sentir à l’aise. La décolonisation, c’est aussi revenir à l’entraide plutôt que se lancer dans la compétition.

@MaiteeSaganash

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