Soutenez

S’affranchir de la religion

Léo Bureau-Blouin est inquiet. En entrevue, il a dit s’inquiéter de l’indifférence des jeunes envers la laïcité, en réaction à un sondage qui montrait que les jeunes étaient plus défavorables que les vieux au projet de Charte des valeurs québécoises. Selon lui, les jeunes, n’ayant pas vécu sous l’influence très forte de la religion catholique, seraient moins conscients de l’importance de la laïcité. Comme s’ils étaient inconscients de la menace que constitue la religion.

Le député de Laval-des-Rapides a sa théorie, j’ai la mienne : les jeunes ne sont pas inconscients du danger de la religion, ils en sont affranchis.

Si on veut tomber dans l’âgisme, comme les sondages nous permettent un peu de le faire, il semble réaliste de croire que les jeunes et les générations précédentes ont un rapport différent à la religion. Nous n’avons pas vécu sous le joug des prêtres, nous sommes allés dans des écoles non confessionnelles (moi j’y ai été, mais pas Léo, presque pas), et c’est à peine si nous savons ce qu’est un tabernacle, à part un gros mot.

Lorsque je parle du projet de charte avec des baby-boomers ou lorsque je lis leurs lettres ouvertes dans les journaux, j’entends souvent cette blessure qu’a causé le catholicisme. C’est avec beaucoup de douleur qu’un homosexuel m’a raconté comment il s’était senti trahi par une religion qui l’excluait, et comment il craignait que cela se reproduise. J’entends cette peur et je la comprends.

Mais ce n’est pas parce que les jeunes ne l’ont pas vécue qu’ils ne comprennent pas la menace. La société a fait le choix de séparer la religion du politique. C’est inscrit dans la loi. Demandez à un jeune ce qu’il pense de l’avortement, des enjeux de fécondité, du mariage gai ou des cheveux longs chez les garçons et vous verrez qu’il n’est pas totalement inconscient des risques de dérapage. Au fond, ce n’est pas à la laïcité, que les jeunes sont indifférents, mais au projet du PQ, lorsqu’ils ne le trouvent pas carrément incohérent.

Lors d’un traumatisme, il est normal d’avoir peur. Mais ne serions-nous pas rendus à l’étape de l’affranchissement de cette peur? Dans le cas du rapport des Québécois envers la religion, cet affranchissement peut-il passer par une plus grande acceptation de la pratique religieuse?

S’affranchir, ce n’est pas rejeter. C’est accepter que les choix personnels des autres peuvent différer du notre, sans que cette différence n’ébranle notre confiance et notre identité.

Comme Léo Bureau-Blouin, je ne crois pas que l’on devrait acquiescer à la demande d’un homme qui veut se faire servir exclusivement par un homme à la SAAQ. Tout le monde est pas mal d’accord là-dessus, sauf, mettons, l’homme en question. La séparation de l’Église et de l’État, la neutralité religieuse de l’État, l’État laïc, tout le monde est pas mal d’accord avec ça et ce n’est pas une mauvaise chose de le rappeler, en ces temps ou tout semble nous diviser. Les divergences portent surtout sur la manière d’assurer cette séparation de la religion et de la fonction publique. Dans mon esprit, ça ne devrait pas passer par la peur.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.