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Rassembler pour mieux régner

Steve Foster ne se prononcera pas sur la charte des valeurs. Comme tout le monde, il a son opinion sur le sujet. Mais le président du Conseil québécois LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels, transsexuels et transgenres) sait sa communauté trop divisée pour qu’il soit possible de parler d’un bloc en son nom. Plutôt, il aborde la question avec philosophie : «Dans chaque débat qui touche la communauté, nous avons à faire avec des visions qui s’opposent. Généralement, il y a de bons points dans chacune de ces visions».

Modéré de chez modéré, Steve Foster a souvent joué le rôle de conciliateur depuis son arrivée à la tête du conseil en 2006. C’était au lendemain de l’adoption de l’union civile pour tous, la principale bataille semblait être gagnée, et plusieurs avaient quitté la table croyant que tout était réglé. En m’expliquant le contexte de son arrivée dans le milieu communautaire LGBT, Steve Foster me rappelle que même l’union des conjoints de même sexe n’a pas toujours fait l’unanimité au sein de la communauté. «Certains se demandaient pourquoi renforcer une institution hétéronormative, d’autres prenaient la chose du point vu de l’accès à tous aux mêmes droits». Désirant travailler avec tout le monde, Steve Foster a aussi donné une voix aux trans, qui avaient peu d’appuis dans la communauté à l’époque.

C’est dans cette ambiance qu’il est arrivé, avec zéro expérience dans le milieu communautaire. Depuis, il a pris du galon de politicien, tentant toujours de se poser en arbitre entre les différents groupes d’intérêts qui composent le conseil au sujet des différents enjeux de société. TOUT peut être analysé sous un angle LGBT. On a même reproché au conseil de ne pas se prononcer sur la grève étudiante.

C’est justement pour m’entendre, en tant que «lesbienne contre la charte» qu’il m’a proposé d’aller luncher. Comme la proposition d’aller luncher venait de lui, la discussion s’est déroulée off-the-record. Je ne révélerai pas tout ce qui s’y est dit, mais je lui ai demandé la permission d’expliquer au moins sa position, la position d’un gars assis entre deux chaises, qui, en l’absence de consensus, préfère garder le silence.

Lors de la Commission Bouchard-Taylor, il avait fallu faire des acrobaties rocambolesques pour arriver au dépôt d’un mémoire un tant soit peu consensuel. Steve Foster se souvient de combien cela avait été pénible et ne semble pas vouloir renouer avec l’exercice.

On pourrait l’accuser de manger dans la main du gouvernement. Le site du Conseil LGBT s’ouvre sur une photo du c.a. avec le ministre de la Justice Bertrand Saint-Arnaud, et un communiqué le remerciant du soutien financier du gouvernement aux groupes LGBT. Mais autour d’un panini dans un petit café du plateau Mont-Royal, ce n’est pas un discours tout pro-gouvernement qui sort de la bouche de Steve Foster.

En attendant, le gars assis entre deux chaises s’apprête à recevoir le prix Droits et libertés, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Pour quelle raison exactement? On aurait tendance à croire que tout était fait, lors de son arrivée à la tête du Conseil LGBT. La première raison que donne la commission, outre le fait que Steve Foster ait «dénoncé les propos homophobes dans les médias et donné une voix aux personnes les plus vulnérables à la discrimination, les personnes transsexuelles et transgenres», est le fait qu’il ait «joué un rôle rassembleur au sein des organismes LGBT». Il ne faudrait pas laisser une charte qui divise briser ce qui fait le succès des avancées d’une communauté.

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