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Yes sir madame!

Je n’ai pas demandé à vivre à Montréal. Je suis née ici, je n’ai aucun mérite. Mais un des aspects qui me ferait choisir cette ville, si je ne m’étais pas encore trouvé de ville où vivre ma vie, c’est sa diversité, et en particulier, sa diversité linguistique. Là où certains voient un conflit à n’en plus finir, je vois une couleur unique. On n’a pas le monopole des villes où il se parle plus d’une langue, bien sûr, mais on le fait ici avec une désinvolture qui, la plupart du temps, illustre une cohabitation sans pareil.

Il faut peut-être se mettre dans la peau d’un nouvel arrivant fasciné par la drôle de délimitation linguistique qui s’est tracée sur le boulevard Saint-Laurent, ou tout simplement entrer dans un dépanneur et se faire répondre «bonjour, 2 $, thank you!», pour apprécier cette désinvolture à sa juste valeur. Il y a bien sûr des fois où ça se passe moins bien. Celles où on se fait servir d’abord en anglais alors qu’on aurait préféré qu’il soit tenu pour acquis qu’au Québec, la majorité est francophone. Même s’il s’agit parfois d’une pensée optimiste, dans les commerces de la rue Sainte-Catherine à l’ouest de Peel, mettons. Puis les fois où des anglos totalement dans leur droit de parler leur langue maternelle se font lancer un agressif «en français s’il vous plaît», le s’il vous plaît faisant plus office de formule patrimoniale que de réelle intension de politesse.

Reste que je trouve qu’il y a quelque chose de beau à écrire à mes interlocuteurs anglophones en français et à recevoir leur correspondance en anglais, sans qu’aucune explication préalable n’ait été requise. Comme s’il y avait cette entente tacite entre Montréalais : je suis plus à l’aise dans ma langue maternelle, alors c’est celle que j’utiliserai pour m’exprimer, sachant que tu en maîtrises parfaitement la compréhension, et vice-versa.

Ma voisine est anglophone et comme elle n’est pas née ici, sa compréhension du français est sommaire. Je me fais tout de même un point d’honneur de m’adresser à elle en français, acceptant ses réponses en anglais. Notre duo semble totalement à l’aise avec ce contrat linguistique, même si je vois bien dans ses sourcils en point d’interrogation qu’elle en arrache à l’occasion, et même s’il est parfois difficile de résister à la tentation de transiger en anglais, ce qui s’avérerait franchement plus simple.

Je ne vois pas pourquoi je nourrirais plus de frustration que ça. Je finirais peut-être par en nourrir si j’étais anglophone et si, chaque fois que je m’exprimais dans ma langue maternelle, on me lançait un «en français s’il vous plaît» sur un ton moralisateur.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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