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Le malheur d’avoir l’air vieille

Photo: Getty Images/iStockphoto

Elle n’est pas encore en ondes que, déjà, la nouvelle émission de Canal Vie «Quel âge me donnez-vous?» fait réagir. Après avoir été soumises au jugement des badauds dans une cage de plexiglas placée au cœur d’un centre commercial, des femmes se verront offrir une cure de jouvence – Botox, gaine, chirurgies – à l’issue de laquelle elles pourront enfin occuper l’espace public en ayant l’assurance de correspondre aux critères de beauté.

Le simple fait que les participantes se prêtent volontairement à l’exercice devrait suffire à ce qu’il soit considéré comme légitime, non? Après tout, personne ne force ces pauvres femmes à mettre leur dignité entre les mains de l’animateur-styliste Jean Airoldi: elles désirent avoir l’air jeune. Et pourquoi en irait-il autrement?

En tant que fille ayant une baby-face, je suis bien placée pour savoir que la jeunesse est perçue comme un objet de désir universel. Non seulement ne se gêne-t-on pas pour me dire que j’ai l’air jeune, mais jamais ne semble-t-on soupçonner que je pourrais espérer qu’il en soit autrement. Quand j’explique à qui veut l’entendre qu’avoir l’air jeune n’est pas nécessairement le genre de qualité recherchée chez une chroniqueuse, on me répond invariablement que je serai bien contente, à 40 ans, quand j’aurai l’air d’en avoir 30. En attendant, les commentaires infantilisants continuent de fuser en réponse à mes billets.
Pourtant, on comprend aisément le désir d’un jeune homme de vouloir gagner en crédibilité grâce à l’apparition de quelques cheveux gris. En témoigne cette publicité de Touche de gris, une teinture pour que les hommes n’aient l’air ni de jeunes incompétents, ni de vieux croulants, mais d’un parfait George Clooney. Combien d’actrices du même âge capitalisent de la sorte sur la couleur poivre et sel de leur chevelure? Zéro.

Les psychologues de tendance naturaliste vous diront que cette différence est due au fait que la jeunesse, chez la femme, est un signe de fertilité et que l’apparence de fertilité, c’est ce qui incite instinctivement les animaux à copuler sans que le geste soit vain. Fou pareil, qu’après toutes ces années à nous être affranchis du caractère fonctionnel de la sexualité, nous continuions à accorder de l’importance à ces critères. Qu’encore aujourd’hui, on considère la beauté des femmes en fonction de leur sexualité et de leurs capacités reproductives, alors que celle des hommes est définie par leur charisme et leur expérience.

Quoi qu’il en soit, je ne sais pas comment ont été appâtées les participantes de l’émission Quel âge me donnez-vous?, mais je sais que leur choix s’inscrit dans une culture qui érige la jeunesse en qualité absolue, et qui pousse des femmes à vouloir avoir l’air jeune à tout prix. Dans le cas de la nouvelle émission de Canal Vie, c’est au prix d’une humiliation publique, en bonne et due forme, dans une cage de plexiglas.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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