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Le site de nouvelles des Y

Il y avait ce site internet, PolicyMic, qui attirait presqu’invariablement mon attention. J’étais consciente, bien sûr, qu’une partie de moi était appâtée par les usuelles techniques de piège à clic du genre : «Le pape vient de faire ce qu’aucun pape avant lui n’avait osé faire. Cliquez ici pour voir de quoi il s’agit». Mais il y avait plus que ça. Des textes aux idées féministes à ceux traitant d’enjeux raciaux que je n’avais jamais pu imaginer, chaque sujet m’intéressait.

Exemples de sujets qui m’ont intéressé sur PolicyMic:

Récemment, PolicyMic a changé de nom pour devenir simplement .Mic [prononcer «Mike»] et mon intérêt n’en a pas pâti. Mais en me renseignant sur ce phénomène médiatique qui nécessitait déjà un changement de nom, j’ai compris pourquoi il m’intéressait tant : il s’adresse à ma génération.

Lancé à New York en 2011 par Chris Altchek et Jake Horowitz, .Mic est un site de nouvelles s’adressant directement aux Millennials, ou à ceux qu’on appelle chez nous la Génération Y, les jeunes nés entre 1980 et 2000. Et ça fonctionne. En trois ans seulement, le site a réussi à atteindre 19 millions de visiteurs uniques par mois, une croissance de 550% que plusieurs médias peuvent lui envier. La bonne nouvelle, c’est qu’ils ont obtenu ces statistiques non pas à l’aide de listes et de vidéos de chats, mais en faisant le pari qu’un contenu engagé et foncièrement progressiste attirerait une clientèle avide d’idées nouvelles et de réflexions parfois confrontantes.

«On a une vision très stéréotypée des millennials. On pense qu’ils ne s’intéressent qu’à leur petite personne, qu’ils se foutent de tout, mais c’est faux. Ils sont super engagés, ils sont politisés et plus éduqués que les générations précédentes. Ils veulent savoir ce qui se passe en Syrie et sont très intéressés par les mouvements sociaux, comme les événements récents de Ferguson», m’explique Elizabeth Plank, la rédactrice principale de .Mic.

Une grande partie de la popularité de .Mic est attribuable à cette Montréalaise de 27 ans qui a troqué le Mont-Royal contre Central Park pour se ramasser à la direction éditoriale de ce petit bijou médiatique au terme d’un stage. «Quand j’ai joint l’équipe en mars 2013, on comptait 3 millions de visiteurs uniques par mois. En deux mois, simplement avec du contenu féministe, j’ai augmenté ce trafic de 1 million de visiteurs de plus par mois!», dit celle à qui on a vite confié plus de responsabilités. Inutile de préciser qu’il s’agit de la personne que j’envierais le plus au niveau professionnel en ce moment si je ne me considérais pas déjà aussi choyée d’avoir la présente tribune. «En effet, c’est très cool de pouvoir écrire sur des trucs qui nous passionnent et de savoir que ça intéresse autant de monde», me confirme Elizabeth.

Depuis son changement de nom, .Mic contient de nouvelles sections, comme Identities, qui s’intéresse aux différences, aux communautés d’appartenance, à l’intersectionnalité, c’est-à-dire aux différents facteurs d’oppression que peut vivre une même personne. «On veut comprendre, par exemple, comment les lois sur l’avortement affectent toutes les femmes, mais certaines femmes en particulier, comme celles qui habitent loin des grands centres et qui n’ont pas accès facilement à l’interruption de grossesse», illustre Elizabeth Plank.

Ça vous paraît lourd? C’est ce qui fonctionne le mieux. «Ce qu’on réalise, c’est que plus les personnes peuvent identifier un sujet à quelqu’un qu’ils connaissent, plus ils ont de l’empathie», m’explique-t-elle. «Et plus on est spécifique, par exemple lorsqu’on aborde des enjeux touchant les femmes autochtones prostituées, plus les gens sont interpelés. En partageant ces textes, ils montrent qu’ils se sentent concernés par ces enjeux».

.Mic n’a rien inventé. Buzzfeed avait compris ça en inventant des catégories par lesquelles certaines personnes peuvent s’identifier, avec des textes du genre : «22 choses que les filles rousses et frisées vivent régulièrement». Avec .Mic, toutefois, on s’intéresse à des enjeux autrement plus riches. Et lorsqu’ils ne s’identifient pas, les lecteurs sont appelés à reconnaître leurs privilèges. «Notre génération est très sensible à ça», croit Elizabeth Plank, qui se plait elle aussi à croire que les Y n’ont plus peur du féminisme.

Ça donne espoir. Il nous reste à souhaiter qu’au Québec, Ricochet, qui compte occuper ce créneau progressiste, obtienne un tel succès.

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