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Confession d’une non-initiée

L’humanité fait face à un important dilemme ces jours-ci : doit-on condamner les chansons de ralliement à caractère sexiste et/ou raciste dans les initiations ou, sous prétexte qu’elles font partie de la culture universitaire depuis la nuit des temps, les considérer comme un élément traditionnel sans signification réelle autre que l’appel à la fraternité?

La réponse à cette épineuse question m’est venue hier lorsque j’ai croisé un convoi initiatique tapageur dans lequel les verts d’un département quelconque entonnaient en chœur, en frappant dans leurs mains gantées de gants à vaisselle, une chanson à répondre bien proprette qui n’offrait à la chroniqueuse sensible à l’exclusion aucun os dans lequel mordre. C’était la preuve, vous me direz, qu’on peut tout à fait s’initier à la vie universitaire sans tomber dans la violence et l’oppression.

C’était surtout pour moi l’occasion de constater à quel point je ne regrettais pas d’avoir manqué ma propre initiation, un certain matin de l’automne 2002. Eh non, je n’ai jamais subi d’initiation. J’ai évité de justesse, l’humiliation publique, le déguisement obligatoire, les chansons à répondre, la substance visqueuse d’origine inconnue dans les cheveux, le maquillage peu flatteur, les gestes posés à l’encontre de mon libre arbitre. J’ai quand même réussi à compléter sans trop de heurts mon baccalauréat, ce qui prouve, d’une certaine manière, que le rite de passage, c’est ainsi qu’on le justifie, n’est pas absolument nécessaire.

Mais ce que j’ai du mal à comprendre, surtout, c’est ce à quoi est censée initier l’initiation. La vie universitaire n’est pas pleine de relations de domination, elle ne fera pas de vous un être humilié, vous n’aurez pas à vous défendre constamment contre la mesquinerie de vos camarades (pas dans mon expérience en tout cas). L’université est une institution où, si ça n’a pas déjà été fait au cégep, on vous apprendra à penser par vous-même. Pas à suivre des ordres.
À moins qu’elle soit en fait une sorte d’enterrement de vie de stupidité, ce dont je doute, l’initiation ne devrait pas initier les nouveaux venus au racisme, au sexisme ou à la domination. Ce sont des choses qu’on ne devrait pas retrouver sur un campus digne de ce nom. Pour contrer la tendance de certaines associations étudiantes à banaliser cette violence présentée comme de simples niaiseries, une association féministe de l’UQAM propose que l’on exige des initiations sans sexisme, sans racisme, sans colonialisme, sans humiliation, sans oppression. La porte est toute grande ouverte pour qu’elle se fasse répondre : «Sans fun?»

Personnellement, je ne vois pas ce qu’il y a d’amusant à faire comme tout le monde, à suivre le troupeau et à couronner le tout par une buverie afin de célébrer ces nouvelles amitiés forgées à coups de ridicule, qui, comme l’absence de livres dans les bibliothèques, ne tue pas. Qui tient vraiment à ça?

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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