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Du silence, s.v.p.

Photo: Adrian Wyld/La Presse Canadienne

Était-ce un attentat terroriste commis au nom de l’islam? Le geste d’un triste individu ayant perdu la tête? Nous n’avions pas obtenu le début d’une réponse à la question qui nous taraudait la veille que déjà, notre esprit était sommé de réagir à nouveau, à un autre geste d’horreur.

Sans le moindre recul, les commentaires fusaient dans tous les sens hier, dans les minutes qui ont suivi les coups de feu entendus sur la colline Parlementaire. «Espérons que ce ne soit pas un Québécois…» «Qui sème le vent récolte la tempête.» «Fallait s’y attendre.» «Une seule solution : stopper l’immigration.» «Finalement, il semblerait qu’on pourrait faire un lien avec l’islamisme, étant donné qu’un des assaillants portait un “foulard blanc à motif arabe”.» Parfois, l’envie de participer au bruit est plus forte que cette sagesse qui devrait nous dicter de ne pas sauter trop vite aux conclusions.

Quelques commentateurs précoces l’ont appris à leurs dépens hier. Parmi les plus rapides sur la gâchette, certains ont vite été appelés à se rétracter. Les commentaires à l’emporte-pièce, blagues déplacées et autres conclusions hâtives ont été vivement critiqués, nous rappelant l’adage voulant qu’il soit parfois plus avisé de tourner sept fois ses doigts dans ses poches avant de twitter. D’autres n’ont jamais cru bon de se rétracter et continuent à semer la terreur aux quatre vents.

Je comprends l’envie de réagir. L’urgence de partager ses craintes. Les réseaux sociaux ne devraient-ils pas être là pour ça? Pour resserrer le lien social lors de ces tragédies? Communiquer et maintenir la conversation avec les gens qui, d’un océan à l’autre, se sentent concernés par un même événement? Mais la conversation ne fait que se transformer en vacarme inutile lorsqu’elle devient une course à celui qui trouvera le plus rapidement possible la déclaration la plus troublante, l’analyse la plus originale ou surprenante, l’observation la plus inattendue.

En fin d’après-midi, la section «Sac de chips» du Journal de Montréal publiait les réactions de nos vedettes à la tragédie d’Ottawa. On pourrait résumer l’essence de leurs propos en cette phrase beige et consensuelle : «Mes pensées sont avec les familles des victimes.» Plusieurs commentateurs se sont moqués de cette «non-nouvelle». J’en conviens, savoir que Stéphane Fallu est tout en pensées avec les familles des victimes de Saint-Jean et d’Ottawa ne changera pas le monde. Mais dans les circonstances, à défaut d’avoir quelque chose de véritablement pertinent à dire sur les réseaux sociaux, il vaut peut-être mieux montrer sa sympathie qu’alimenter la haine. Quitte à passer pour beige
et consensuel.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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