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Soigne ton titre

Photo: Jean Bernier/Radio-Canada

Je peux comprendre que la contestation du titre Pow Wow* par des membres de la communauté innue ait constitué une surprise pour certains. Je peux comprendre que personne n’ait pensé que cela puisse être offensant. Je suis persuadée que personne à Radio-Canada, à commencer par Pierre Lapointe et Claudine Prévost, n’ait eu l’ombre du début d’une intention de froisser qui que ce soit avec ce titre.

Je comprends aussi que le concept d’appropriation culturelle, nouveau pour plusieurs, puisse soulever des questions : que peut-on dire sans se faire traiter de colonialiste? (Parce que l’insécurité repose évidemment plus souvent sur la crainte de passer pour un tâta que sur celle d’offenser.) «Toboggan», c’tu correct? Peut-on encore dire «ouaouaron»? Et que faire des «tipis», «iglous» et autres «noms de totems»?

Ces questions, légitimes, appellent toutefois à s’informer et à chercher, avec ouverture, des réponses. On remarquera qu’à la différence de «ouaouaron», le pow wow s’inscrit dans les racines de l’identité autochtone. Et que contrairement à des expressions qui pourraient refléter l’identité québécoise, comme confessionnal, poutine ou ceinture fléchée, mettons, ce terme a été usurpé aux membres des Premières nations, trafiqué, vidé de son sens, et s’est vu être réapproprié à des fins qui, comme le soulignait élégamment Natasha Kanapé Fontaine, risquent peu de mettre en valeur la culture autochtone.

À l’opposé, la mauvaise réponse à ces questions serait d’y aller de son gros bon sens en se basant sur sa propre expérience d’utilisation des mots. «Si des mots autochtones font partie de notre vocabulaire de tous les jours, c’est bien un signe que cet héritage fait partie de notre ADN, non?», demandait Sophie Durocher. Non. Si nous utilisons ces mots quotidiennement sans nous embarrasser de leur signification, cela confirme surtout comment l’esprit colonialiste imprègne notre inconscient collectif.

Je peux comprendre que tout ça suscite l’étonnement. Mais une fois que cela est dit et exprimé clairement, dans la dignité et sans hargne, avec faits historiques à l’appui, je me demande comment on peut sans la moindre gêne parler d’exagération ou de cession à une pression indue. Comment une majorité privilégiée peut-elle se sentir menacée par la requête, légitime, d’un groupe qui continue d’être opprimé, que la société d’État, sensée représenter tous les Canadiens, n’affiche pas de manière si ostentatoire son impérialisme?

De toute façon, que les inquiets soient rassurés : la société d’État n’a pas cédé qu’à la pression innue : c’est pour des raisons de propriété du nom que le titre de travail n’a pas été retenu. Le nom Pow Wow appartient déjà à quelqu’un.

La belle et le bum

Une autre émission culturelle qui pourrait profiter du départ de son animatrice pour revoir son titre est Belle et bum. Après Sophie Durocher, Roxane St-Gelais et Claudine Prévost, c’est au tour de Geneviève Borne de quitter l’émission. «Il est temps pour moi de passer à autre chose! Je souhaite bonne chance à la prochaine belle!», a écrit l’animatrice sur Facebook. Ça m’a fait réaliser que «belle», pour une appellation d’emploi, en 2015, c’est plutôt réducteur. Surtout que la description de tâche – connaître les invités, présenter les invités, interviewer les invités, discuter de musique et de souvenirs émotifs avec les invités – n’a rien à voir avec l’apparence physique de l’animatrice. Je pense même que cela sollicite ses connaissances culturelles, ses compétences et son intelligence. Ne changez rien au contenu! L’émission remplit parfaitement son mandat. Mais le titre?

 

 

* En fouillant dans mes vieux courriels, j’ai intercepté un échange avec des collègues dans lequel nous discutions de la possibilité d’appeler une émission de radio «Pow Wow», pour remplacer le titre «Gang Bang», que nous ne jugions pas offensant à l’époque, mais parce qu’il avait fait son temps. L’équipe a finalement arrêté son choix sur le titre de Quartier Général, vocabulaire militaire qui, quand on y pense, ne nous éloignait pas tant du concept de «gang bang».

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