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Jouer le jeu

Cette semaine, la FPJQ a proposé aux chroniqueurs d’écrire au sujet de la liberté d’expression. Le collègue de La Presse Patrick Lagacé a choisi de faire le portrait de Jérôme Landry, de RadioX, celui qui représente à ses yeux le summum de la liberté d’expression : quelque chose qui rend possible même les discours les plus haïssables. Je suis plutôt d’accord avec Patrick Lagacé. La liberté d’expression n’a pas de sens si on la confère seulement à ceux qui nous plaisent. Toutefois, je pense qu’il faudrait en revenir, de présenter les animateurs de Radio X comme les rois de la libââârté.

L’un des piliers de la liberté d’expression est la liberté de presse. Ou est-ce l’inverse? Peu importe. On ne m’obstinera certainement pas sur le fait que la liberté de presse soit une facette très importante de la démocratie. Aussi, comme dans un cercle vertueux qui peut vite s’avérer vicieux, une saine démocratie est généralement conditionnelle à une liberté de presse, gage de qualité.

Or, cette qualité de presse est de plus en plus compromise par le contrôle que tentent d’exercer nos élus sur la presse politique. Ce contrôle a été dénoncé à maintes reprises en ce qui a trait à la politique fédérale. La FPJQ dénonce régulièrement les pratiques du gouvernement Harper en matière d’accès à l’information, que ce soit en refusant les entrevues ou en boycottant les organes de presse qui ont émis des réserves ou des critiques à son endroit. Un livre, Kill the Messengers: Stephen Harper’s Assault on Your Right to Know, a même été publié sur le sujet. Au Québec, a aussi reproché au gouvernement provincial – tant celui du PQ que l’actuel gouvernement libéral – de vouloir contrôler le message. Et, de plus en plus, des journalistes couvrant la politique municipale se plaignent de subir le même exercice de contrôle de la part de l’administration Coderre, qui serait moins encline à accorder des entrevues à des journalistes aguerris qu’à manger des hotdogs en serrant des mains ou à fanfaronner dans un talk show bon enfant.

Il faut comprendre qu’au Québec, au Canada ou à Montréal, la liberté de presse ne sera jamais compromise de façon drastique, par un gouvernement totalitaire qui nous interdira d’écrire. Ça prendra bien sûr des allures plus subtiles. Ici, on ne s’attaque pas à la liberté de presse, mais à la capacité des journalistes de faire correctement leur travail. La population, elle, n’y voit que du feu, ayant l’impression d’être en contact avec ses élus sur une base régulière. Personne ne se doute que Denis Coderre veuille contrôler quoique ce soit : il a l’air si sympathique quand il passe à Salvail. Personne ne dira de ce gazouilleur compulsif qu’il ne communique pas. Pendant qu’il nous renseigne fièrement qu’il a empêché des pics anti-sans-abris d’être mis en place ou qu’il a fait installer des guirlandes sur la main, on oublie que l’opposition se plaint depuis des mois de ne pas avoir le temps de lire les contrats de travaux publics avant de les voter. C’est qu’il choisit bien ses tribunes en fonction du message qu’il veut livrer. Or, la qualité de presse et la démocratie requièrent plus que le message officiel.

Les médias bienveillants aux yeux des politiciens pourront continuer de recevoir les élus. C’est bien sûr aussi ça, la liberté d’expression. Mais j’éprouve un certain malaise à l’idée qu’on élève au rang de rois de la liberté d’expression des animateurs de qui reçoivent Stephen Harper en toute complaisance, sans lui offrir la moindre résistance, jouant ainsi le jeu de ces politiciens qui parviennent parfaitement à contrôler le message. Si la liberté d’expression requiert que l’on admette un certain inconfort face à des messages qui nous rendent mal à l’aise, elle devrait requérir de nos élus qu’ils acceptent eux aussi de vivre avec un certain inconfort.

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