Soutenez

Devenir citoyens

Photo: Getty Images/moodboard RF

Étant donné l’évolution des mœurs, il pourrait être tentant de se demander, au fond, ce que ça va changer, pour les gais et lesbiennes de tous les États des États-Unis, de pouvoir se marier. Après tout, ça fait un bail que les homosexuels peuvent s’y épanouir sentimentalement sans subir les regards réprobateurs.

Dans les principales villes, du moins. Les vedettes affichent leur orientation sexuelle sans craindre de perdre des fans, les politiciens appuient le mariage gai sans perdre de votes.

Et puis, qu’est-ce qu’on peut bien obtenir de plus en gagnant le droit de s’inscrire dans l’institution dépassée qu’est le mariage? Voilà un argument que brandissent certains défenseurs du mariage traditionnel, parfois même sans s’en rendre compte. Il n’y a peut-être pas meilleur moyen de conserver un privilège que d’en diminuer la valeur : es-tu sûr que tu en veux vraiment? C’est pas si bon que ça.

Obtenir le droit de se marier, qu’on décide de se prévaloir de ce droit ou non, signifie bien plus que ça. On n’a qu’à regarder ce qui s’est passé au Canada dans les 10 dernières années pour saisir toute la portée de cette avancée aussi concrète que symbolique.

Lorsque les gais et lesbiennes ont obtenu chez nous le droit d’être considérés conjoints de fait, puis époux, toutes sortes de choses sont survenues, en plus de l’augmentation du chiffre d’affaires des planificateurs de mariages. Nous avons cessé d’être considérés comme des colocs et avons dû payer les impôts comme de vrais couples. Avec cette stabilité, nous avons commencé à penser à fonder des familles. Et quand les premiers couples homosexuels ont frappé aux portes de la DPJ pour adopter, certains travailleurs sociaux sont restés surpris : ça voulait aussi dire ça, qu’on pouvait être de bons parents et adopter comme tous les autres. En somme, nous devenions des citoyens à part entière.

Et si, pour une raison ou une autre, une personne nous mettait des bâtons dans les roues en raison de notre orientation sexuelle, c’est elle qui avait tort, pas nous. Ce droit à ne pas être discriminés nous avait été conféré en 1969 par Pierre Elliott Trudeau, mais maintenant que nous avions tous les mêmes droits que les hétérosexuels, nous ne pouvions plus être considérés comme des citoyens de second ordre ou comme des enfants.

Comme dans un cercle vertueux, la décision de la Cour suprême du Canada en faveur du mariage homosexuel s’était prise parce que la population y était favorable, et la population est devenue d’autant plus favorable après que la loi fut adoptée. Ceux qui étaient moins à l’aise avec l’idée – le taux d’approbation du mariage gai à l’époque était d’environ 50 % – sont devenus de plus en plus marginaux.

Aujourd’hui, il faut chercher le trouble pour parler en mal du mariage entre conjoints de même sexe au Canada. Et si les États-Unis subissent ces jours-ci quelques soubresauts homophobes, on se souviendra de ces réactionnaires comme de ceux qui s’opposaient au vote des femmes chez nous en 1940.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.