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Pas de quoi se marrer

Je sais, j’aurais pu leur laisser une trêve au lendemain de leur fête nationale, mais une conjoncture particulière – l’absence d’actualité inspirante, un récent voyage à Paris, une soirée dédiée à l’humour francophone – fait qu’aujourd’hui j’ai envie de vous parler des fois où des Français se moquent de l’accent québécois, ce qui n’est pas marrant.

À peine étais-je arrivée en sol français que le douanier – un fonctionnaire qui, par la nature de ses fonctions, devrait pourtant être habitué à entendre des accents de toutes sortes – s’est moqué de ma façon de prononcer mon point de chute : «cité universitaire». «Eh eh, universitayre», a-t-il rigolé, en tamponnant mon passeport devant mon expression impassible qu’on aurait pu traduire en langage verbal par «c’pas drôle».

J’aurais pu avoir plus de sens de l’humour, mais cet accueil si chaleureux a ramené à ma mémoire émotionnelle toutes les fois où, lorsque j’habitais en France, on s’en prenait à ma façon de parler. Toujours comme si on n’avait jamais vu ça de sa vie, un être humain un peu différent de soi. Toujours dans l’esprit que le Français de France (voire de Paris) est le référent suprême de la francophonie. Toujours comme si l’expression «avoir un accent français» était une hérésie. Toujours en attirant l’attention sur le contenant plutôt que sur le contenu du message.

Mais une imitation de ton accent, c’est pas plate seulement quand tu viens de te taper sept heures de vol. En fait, c’est rarement drôle. Premièrement, c’est rarement bien fait, sauf quand c’est fait par Gad Elmaleh, et encore. Ensuite, c’est rarement bienveillant, sauf si c’est pour dire que c’est «trop mignon», et alors, ça devient infantilisant. Et quand c’est infantilisant, ça vient 90 % du temps avec une référence à Céline, à la poutine ou aux caribous (qu’une majorité de Québécois n’ont jamais vus de leur vie, sauf sur un 25 sous).

Ça, c’est quand ça n’est pas accompagné d’une incompréhension totale des codes, qu’il s’agisse d’un florilège de jurons mal prononcés, qu’on réserve généralement pour les moments d’agressivité, ou d’une expression carrément déplacée, qu’il vaudrait mieux ne pas prononcer devant un dignitaire dans un contexte diplomatique. Par ailleurs, si on veut se moquer des Québécois, il me semble qu’il y a des options plus créatives que celles de tomber dans les lieux communs.

Mais c’est surtout frustrant de faire rire de son accent compte tenu des efforts – pas toujours sans heurts – qu’on fait pour défendre cette langue. Ceux qui en rient connaissent rarement la complexité et la sensibilité de la question linguistique au Québec. Après tout, c’est pas comme si protéger sa langue et sa culture sans piétiner les droits des autres locuteurs était si simple.

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