Soutenez

Facile à dire

Encore une fois cette année, l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, responsable de la remise des Oscars, fait face à d’importantes critiques devant le manque de diversité de ses nominations. Cette année, les membres de l’académie n’ont mis aucun acteur ni aucune actrice de couleur au ballotage. Pour ajouter l’insulte à l’injure, les deux films mettant en scène des réalités noires qui se sont qualifiés pour la grande cérémonie, Creed et Straight Outta Compton, ont reçu des nominations soulignant le talent de l’acteur de soutien Silvester Stallone dans Creed, et des auteurs blancs de Straight Outta Compton. L’ire s’est rapidement transformée en mot-clic, #OscarSoWhite, et des personnalités publiques comme Jada Pinkett Smith et Spike Lee ont annoncé qu’elles bouderaient la cérémonie.

L’assurance avec laquelle l’acteur très blanc Kiefer Sutherland a nié l’existence du problème lorsqu’il a répondu un «non» bien senti à la question «Pensez-vous qu’il devrait y avoir plus de diversité dans les nominations aux Oscars et à Hollywood?» lors d’une entrevue donnée à une radio de Toronto est fascinante. Non, il ne devrait pas y avoir plus de diversité, selon notre Jack Bauer national. L’acteur a poursuivi sa réflexion dans une longue tirade impliquant les explications d’usage: les Oscars ne sont pas politiques et chaque nationalité n’a pas à être représentée, les gens votent pour ce qu’ils aiment et l’académie est très diversifiée.

Cette dernière explication, à elle seule, est mal informée. Le manque de diversité de l’académie est si documenté qu’il est probablement la principale source de moqueries adressées à l’institution. En 2012, le LA Times a recensé les membres de l’académie par genre et couleur, pour y découvrir que 94% des électeurs aux Oscars étaient blancs (2% Noirs, 2% Latinos) et 77% étaient de sexe masculin. Depuis, l’académie affirme avoir mené des actions concrètes pour changer le portrait de ses membres, des efforts qui sont parfois difficiles à percevoir.

En 2014, par exemple, elle comptait parmi sa nouvelle cohorte 10% de personnes de couleur, et 28% de femmes. En 2015, l’académie a demandé à 322 nouveaux membres de joindre ses rangs, dont 23% étaient des membres de minorités visibles, et 28% des femmes. On est loin d’une mesure qui peut renverser la vapeur, dans un pays constitué à 50% de femmes, et à 37% de minorités visibles. De l’aveu même de sa présidente, qui y voit un grave problème, l’académie peine à rattraper le retard. Et pour cause : si un jury est constitué par une aussi vaste majorité de membres blancs et masculins, il faudrait plus qu’ajouter chaque année une minorité de membres issus de la diversité. Et c’est probablement là que l’on se frappe au mur du problème structurel d’Hollywood, dont les nominations aux Oscars ne sont que le symptôme le plus flagrant.

Après, il semble bien facile, pour un acteur blanc qui n’a jamais vécu de discrimination en vertu de la couleur de sa peau, de nier qu’il y ait un problème, voire de l’expliquer par des arguments éculés. Évidemment, le fait que Kiefer Sutherland soit blanc ne l’interdit pas de s’exprimer sur l’absence de diversité aux Oscars, mais appelle du moins à une certaine humilité. Si la chose paraît si facile à dire, elle mérite sûrement une plus grande introspection.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.