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Apparence de justice

Former CBC radio host Jian Ghomeshi walks past protesters as he arrives at a Toronto court for day six of his trial on Tuesday, Feb. 9, 2016. THE CANADIAN PRESS/Chris Young Photo: THE CANADIAN PRESS

Le plus important, pour le système de justice, n’est-il pas de nous donner au moins l’impression que justice peut être rendue? Les spécialistes du droit claironnent qu’il n’y a rien qui cloche avec le verdict rendu à l’endroit de Jian Ghomeshi. Que n’importe qui dans cette situation aurait acquitté l’ancien animateur. On nous répète aussi que le système fonctionne. Qu’il est important que toutes les mesures soient prises pour que des personnes faussement accusées ne soient pas injustement privées de liberté, et que le principe de présomption d’innocence soit honoré. Très bien.

Reste qu’au lendemain de ce verdict de non-culpabilité, difficile de penser que justice a été rendue. Et une grande partie de ce sentiment d’injustice est due à la maladresse du juge Horkins.

Une des principales difficultés entourant un procès pour agression sexuelle consiste à départager le vrai du faux dans la parole de l’un contre l’autre, en l’absence le plus souvent d’autres preuves. Cette difficulté peut être accentuée par le manque de crédibilité d’un des deux protagonistes, et/ou surmontée par la présence d’un «pattern» d’agression. Le phénomène «he said, she said» peut généralement être contré par le fait que plusieurs victimes affirment avoir subi le même comportement d’un même individu. Dans son jugement, le juge Horkins affirme toutefois avoir «très délibérément choisi de traiter les preuves de manière séparée», étant donné que les expériences de chaque femme étaient différentes et uniques. Se faire tirer les cheveux, frapper au visage, étrangler, lors d’une soirée romantique, voilà qui ressemble pourtant à un pattern.

Une autre difficulté liée à un procès pour agression sexuelle, et particulièrement lorsque les faits remontent à près de 15 ans, est de maintenir un récit crédible, qui ne se contredit pas, qui ne fait pas l’amalgame de souvenirs qui s’entremêlent dans l’ordre et le désordre. Une des victimes, L.R., ne se souvient pas très bien de la manière dont elle a chuté lors de son altercation avec Jian Ghomeshi. A-t-elle été jetée au plancher ou poussée sur le plancher un soir de janvier 2003? Elle n’en est pas certaine. Ce genre de détail est suffisamment important pour être souligné par le juge.

Mais la déclaration la plus irritante du juge Horkins est cette étrange mise en garde selon laquelle «tenir pour acquis que les plaignantes sont toujours honnêtes» est «aussi dangereux» que les faux stéréotypes au sujet du viol. Est-ce à dire que selon la conception du monde de monsieur le juge, il y a plus de personnes qui sont faussement accusées d’avoir commis des agressions sexuelles qu’il n’y a de victimes des stéréotypes entourant le viol (ce qui est faux), ou que quand ça arrive, c’est aussi grave? Les stéréotypes entourant le viol sont nombreux et ont des conséquences bien réelles non seulement sur les victimes d’agression, mais sur toutes les femmes. Quant à la présomption d’innocence, c’est correct, pas de danger : on voit bien que le système la traite avec le plus grand respect.

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