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Pour une fierté inclusive

People from the Black Lives Matter lead the annual Pride Parade, in Toronto on Sunday, July 3, 2016. THE CANADIAN PRESS/Mark Blinch Photo: Mark Blinch/The Canadian Press

«N’est-il pas détestable, quand vous invitez de nouveaux voisins à souper, que ceux-ci arrivent une heure en retard et qu’ils dénigrent vos compétences culinaires pour ensuite demander du meilleur vin?» C’est la métaphore qu’a choisie Barbara Kay pour expliquer la protestation du groupe Black Lives Matter durant le défilé de la Fierté gaie à Toronto.

La chroniqueuse du National Post ne pouvait trouver meilleure façon d’illustrer le processus d’invisibilisation de la diversité culturelle au sein de la communauté LGBTQ. Les personnes «racisées» ne sont pas «nos nouveaux voisins». Elles ont toujours été là, peu importe à quel point leurs voix ont été réduites au silence.

La communauté LGBTQ a beau s’inspirer de l’arc-en-ciel pour embrasser la diversité, elle n’en demeure pas moins un écosystème fragile, formé de plusieurs groupes d’individus dont les intérêts peuvent s’entremêler. Certains ont vu dans l’intervention de Black Lives Matter une sorte de concours pour savoir quel groupe «se victimise le plus». Ce qui ressemble le plus à la réalité, c’est qu’au sein de l’alliance LGBTQ, certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres parce qu’elles cumulent plusieurs sources d’oppression et que celles-ci peuvent les amener à être exclues d’une communauté ou d’une autre, et finalement de toutes celles auxquelles elles pourraient s’identifier.

Il en va ainsi des minorités sexuelles qui font aussi partie des minorités «racisées». Pour illustrer cette double oppression, on pensera aux musulmans qui peuvent à la fois être rejetés par leur famille parce qu’ils ne répondent pas aux attentes hétéronormatives et stigmatisés parce qu’ils sont issus d’une communauté perçue comme étant, de manière monolithique, homophobe.

À l’heure où certains membres de la communauté LGBTQ voient une contradiction dans le fait que Justin Trudeau défile à la Fierté tout en souhaitant Aïd Moubarak, à quel endroit le réfugié syrien homosexuel pourra-t-il se sentir à sa place?

Ces tensions ont toujours existé au sein de la communauté. Aujourd’hui, elles tendent à s’exacerber à mesure que les intérêts des uns semblent entrer en contradiction avec ceux des autres. Alors qu’une frange dominante de la communauté voudrait voir un Village aseptisé où les marginaux ne nuisent pas trop au commerce, ses membres les plus vulnérables s’y sentent de moins en moins en sécurité.

Dans un texte éclairant sur notre façon de percevoir l’intervention de Black Lives Matter comme un inconvénient dans l’apparente unité arc-en-ciel, la professeure Naila Keleta-Mae rappelait que la Fierté de Toronto a débuté par une émeute contre les policiers qui arrêtaient des hommes lors de descentes dans les saunas gais. Sûrement qu’une grande partie de la population trouvait que les émeutes étaient dérangeantes. Mais pour les marginaux de l’époque, qui étaient tabassés et traités comme des sous-humains, c’était la seule façon de retrouver une dignité.

Avant d’être un défilé, souvenons-nous que la Fierté était une marche politique pour obtenir des droits et lutter contre la discrimination. Nous avons beaucoup gagné depuis. Tentons de ne pas laisser des parents d’armes derrière nous.

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