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L’école des gars

Photo: Archives TC Média

«Moi, dans mon temps, à l’école… » Par un pur adon, le gars qui parlait ainsi avait sensiblement le même âge que moi. Fatalement, ses années d’école correspondaient exactement à mes années d’école. Fallait l’entendre. C’était tellement mieux! La compétence des profs, la pertinence des matières enseignées, le taux de réussite des élèves, la discipline, l’esprit de groupe et bla-bla-bli et bla-bla-bla… Je l’ai presque cru, jusqu’au moment où des souvenirs sont remontés jusqu’à ma calvitie.

Je suis un pur produit de l’école publique. De toute façon, pour s’inscrire au privé à l’époque, il fallait soit être très riche, soit avoir pris beaucoup de retard sur les autres. Heureusement, je ne souffrais d’aucune de ces tares. Dans mon quartier de l’est, quand on atteignait le secondaire, on séparait les filles des gars. En 1974, en tout cas, c’était encore comme ça.

À l’école des gars, ça jouait dur. Très dur. Dans la cour, dans les corridors et même dans la classe, les coups de poing, les jambettes et les insultes faisaient partie du programme quotidien. Souvent, les profs laissaient aller ça, comme si c’était normal. Certains profitaient en quelque sorte de la situation et n’attendaient pas nécessairement la remise des notes pour y aller d’une généreuse distribution de taloches en pleine face. À l’école des gars, c’est fou ce que se permettaient ceux qui étaient en position d’autorité. L’interdiction de répliquer y était pour beaucoup, j’imagine. Tant de courage…

À l’école des gars, ça jouait dur. Très dur. Dans la cour, dans les corridors et même dans la classe, les coups de poing, les jambettes et les insultes faisaient partie du programme quotidien. Souvent, les profs laissaient aller ça, comme si c’était normal…

À l’école des gars, il y avait d’incorrigibles cancres qui cachaient subtilement leur paquet d’Export A dans la manche carrée de leur t-shirt. Quand on faisait une expérience en chimie, il leur arrivait parfois de mettre le feu dans le fond du local. Les cancres savaient se transformer en génies quand venait le moment de faire des mauvais coups.

À l’école des gars, il y avait aussi quelques bolles qui se faisaient donner du «fif» du lundi matin au vendredi soir. Ces bolles se déplaçaient habituellement en meute et se racontaient des jokes de bolles que personne d’autre ne pouvait comprendre. Peut-être aussi que ça ne nous intéressait tout simplement pas. Nos bolles étaient toujours choisies en dernier quand on devait faire des équipes dans les cours d’éducation physique. De son côté, le prof de gym s’en sacrait totalement, car il préférait de loin s’occuper de ses chouchous, à qui il accordait l’essentiel de son attention. Le week-end, il les emmenait faire des tours de machine dans son char sport. Je crois qu’il faisait ça pour leur inculquer le goût de la franche camaraderie. Notre bon prof de gym était un être de vocation.

À l’école des gars, notre prof d’anglais était un prof de musique mis en disponibilité et le prof de dactylo ne savait pas quoi faire de ses dix doigts. Le pire d’entre tous était le prof chargé du cours d’«enseignement scolaire et professionnel» (ça ne s’invente pas, n’essayez surtout pas de comprendre… ), qui adorait sortir des élèves dans le corridor en leur accrochant le bord de la face sur le cadre de porte. Lui, les pneus de sa Dodge Dart verte étaient souvent à plat. Son autre grand chum de prof avait quant à lui perdu sa job la fois où il avait voulu se battre avec le prof de maths lors d’une sortie scolaire bien arrosée. Autres temps…

Est-ce que c’était vraiment mieux «dans mon temps»? Certains pensent que oui.

***

Vu: Les Hardings, une pièce d’Alexia Bürger présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 5 mai. C’est un très bon spectacle. On y va pour l’excellente idée de base, pour l’intelligence du texte, pour le jeu (Martin Drainville, Patrice Dubois et Bruno Marcil sont tous brillants) et pour son propos qui nous touche en plein là. J’ose le répéter, si le théâtre québécois s’inspirait davantage de notre réalité et de l’actualité plutôt que de passer son temps à brasser des squelettes hors du placard, on aurait envie d’y aller encore plus souvent. Voici une occasion rêvée de le faire.

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