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Le facteur temps

Dans la vie, tout passe. La douleur, la colère, les modes, le temps… Moi, par exemple, mon facteur passe chez nous vers 10 h 30 du lundi au vendredi. Il s’appelle Sylvain. Ben oui… J’ai appris ça la semaine passée. Avant ça, je me contentais de savoir que c’était un maudit bon gars sympathique comme mille mais là, j’en connais un peu plus sur lui. Et sur son avenir aussi.

Ça fait quelques années qu’il distribue le courrier sur ma rue. Toujours de belle humeur, avenant et efficace. Parfois, il prend des vacances avec sa famille. C’est lui qui m’a raconté ça l’an passé lors de l’une de nos nombreuses jases de coin de porte. Ces échanges durent habituellement entre 15 et 30 secondes. Mon facteur a beau être gentil, il a quand même une route à faire.

D’ici quelques années, si on tient promesse du côté de Postes Canada, Sylvain-le-facteur ne fera plus partie de mon quotidien. Et moi, je ne ferai plus partie du sien. Peut-être qu’il aura la tâche de farcir l’hypothétique pan de mur de boîte communautaire qui devrait atterrir tôt ou tard sur le coin de ma rue, je n’en sais rien et lui non plus.

On a beaucoup parlé, ces derniers jours, des problèmes qu’allait occasionner la suppression progressive du service de livraison postale à domicile. On a entre autres pointé ceux et celles qui éprouvent des difficultés de mobilité et qui devront éventuellement s’organiser autrement pour avoir accès à leur courrier. Ce n’est pas la première fois que les «moins munis» (j’ai horreur de parler des «plus démunis») feront les frais d’une réforme.

Si ce n’était que ça… Nul besoin d’être handicapé, ni âgé, ni esseulé pour préférer recevoir des services à domicile. Personnellement, rien ne m’empêche d’aller chercher mon courrier dans un dépôt communautaire. Ni mon âge, ni mes jambes, ni une quelconque phobie sociale. Sauf que… Sauf que moi, j’aime ça voir des humains autour de moi. Et avoir des contacts avec eux. Je préférerai toujours me faire servir «de un à un». Je n’aime pas utiliser les guichets automatiques dans les banques ni les caisses libre-service dans les magasins à grande surface. Dès que je le peux, je me place dans la file qui me permettra de rencontrer une madame ou un monsieur au terme de mon attente.

Si ça se pouvait, j’aimerais cent fois mieux avoir encore un laitier et un boulanger qui livreraient leurs produits une couple de fois par semaine comme ça se faisait chez nous quand j’étais petit. Sans parler du valet-service, du p’tit gars des gâteaux, des aiguiseurs de couteaux et autres spécimens disparus de la carte depuis trop longtemps à mon goût.

Pas compliqué, JE VEUX VOIR DU MONDE. Oui, je le sais, avec les courriels et les paiements en ligne, la pertinence d’avoir des facteurs sur la route n’est plus ce qu’elle était. Des courriels, j’en reçois des centaines par semaine, je suis tout au fait de tout ça. Et c’est justement ça le défaut.

Je passe mon temps vissé devant un écran à faire le tri entre ce qui me concerne et ce qui ne me concerne pas une miette. Chaque jour, je suis littéralement bombardé de messages virtuels qui arrivent à la fois de partout et de nulle part. Alors, chaque occasion d’entrer en contact avec du vrai monde m’est précieuse.

Et de savoir qu’un jour, «le gars de la malle» ne sera plus au rendez-vous, ne serait-ce que pour marquer le milieu de mon avant-midi, ça me dérange. Tout simplement.

Comment ils disaient dans la chanson d’Harmonium? Ah oui…

«Où est passé tout ce monde…?»

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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