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Le ciel, deux marches plus bas…

Aussi bien vous le confier d’entrée de jeu: l’Upstairs est ma salle de spectacle préférée à Montréal. Un petit jazz club de 70 places, gros max. Intime, c’est le moins que l’on puisse dire. Tant pour la clientèle que pour les musiciens, qui y jouent à «ça» de vous.

L’Upstairs est un endroit parfaitement imparfait. Avec des colonnes plantées au beau milieu de votre champ de vision, un piano trop gros pour une scène qui a la dimension d’un mouchoir de poche et, tout au bout du bar, un banc qui attend Len Dobbin, un journaliste décédé il y a déjà quelques années. Ne posez pas de question, c’est ainsi.

Un peu plus et on dirait que l’Upstairs est un être humain. Avec ses contradictions (l’Upstairs est en fait un demi-sous-sol…), ses qualités, ses défauts, sa mémoire et son cœur qui, depuis maintenant 20 ans, bat sans faillir.

J’ignore si les murs de l’Upstairs ont des oreilles mais, chose certaine, ils ont des yeux. Sur ses murs de pierre, on a accroché plein de photos de musiciens et de chanteuses. Des artistes qui vous suivent du regard où que vous soyez. À votre table comme dans les toilettes du fond. Certains visages sont connus, d’autres, pas du tout. Ça me rappelle le mur des «célébrités» du défunt Ben’s Smoked Meat, une institution montréalaise d’un autre temps.

Je me souviens fort bien de ma première visite dans cette véritable annexe des clubs de New York. Ça remonte au temps où, vu ma job à la radio du matin, je me tapais au moins une centaine de spectacles par année. Je vivais alors un bien drôle de paradoxe: quand tout le monde se divertissait, moi, je travaillais. Inutile de vous dire que, pour m’évader, la dernière chose dont j’avais envie, c’était d’aller voir un show. Pourtant, un certain soir d’hiver…

Assis à la table d’à côté, y’avait un vieux monsieur distingué qui, par un beau vendredi, avait décidé de sortir sa dame. Collés serrés, – pas étonnant vu l’exiguïté des lieux –, ils se tenaient par la main. Touchant. Plus loin, au bout du bar, un solitaire sirotait bien tranquillement un drink en écoutant le spectacle. Plus tard, des étudiants, profitant du dernier set toujours gratuit, avaient débarqué. Tout le monde égal, tous partis dans une même bulle. Dans le cadre de porte, ils ont dû poser un détecteur à ego qui ramène tout le monde au même niveau. Une rareté en ce bas monde. C’était beau. Juste beau. Et j’étais bien. Très bien.

Depuis cette soirée, je suis retourné souvent à l’Upstairs. Pour la musique, bien sûr, mais aussi – peut-être même surtout – pour me laisser kidnapper bien volontairement par ce que j’appelle le bonheur. Celui que j’avais trouvé, jadis, un certain soir d’hiver. Bien simplement.

Le 20e anniversaire de l’Upstairs (1254, rue Mackay): du 12 au 22 novembre. Avec plein de belles visites. De John Abercrombie à Émilie-Claire Barlow, en passant par Julie Lamontagne, Oliver Jones et plusieurs autres artistes hautement fréquentables.

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Lu: En 67, tout était beau, de Pierre Huet (chez Québec-Amérique). C’est une chose de savoir raconter des histoires, c’est quand même autre chose de savoir raconter «ses» propres histoires. La preuve est maintenant faite: Huet brille dans ces deux domaines. Son livre, rigolo comme c’est pas permis, on vous le recommande chaudement.

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