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Sociologie de la machine à café

Journal Forum de l'Université de Montréal

Comme on peut le constater dans l’émission Caméra café, le coin de la machine à café est un microcosme de la société. On s’y rencontre, on échange, on badine ou on casse du sucre sur le dos d’un collègue, on règle ou on attise des conflits.

«Le milieu de travail est un véritable lieu d’échange social, et le métier ou la profession que nous exerçons joue un rôle prépondérant dans la définition de notre identité personnelle et même dans le sens que nous donnons à la vie», souligne Luc Brunet, spécialiste de la psychologie du travail au Dépar­tement de psychologie de l’Université de Montréal. Avec son collègue André Savoie, le professeur s’est penché sur la formation de ces groupes in­formels au travail, et ils en ont fait l’objet d’un volume publié il y a quelques années, La face cachée de l’organisation.

La conclusion qui s’en dégage est que les groupes informels, peu importe la base sur laquelle ils se construisent, sont loin de constituer des environnements de contestation du pouvoir. Même si des groupes dissidents peuvent se former, la plupart des regroupements informels correspondent à une volonté de mieux-être.

«Ces groupes répondent à des besoins relationnels auxquels la structure officielle de l’organisation ne peut répondre», peut-on lire. De l’avis des auteurs, non seulement l’établissement de ces liens est inéluctable, mais ils peuvent aider à résister au stress et même à assainir le climat de travail.

Potinage du matin

Sur un plan plus terre-à-terre, Luc Brunet estime que le potinage du matin autour de la machine à café constitue aussi une réponse à un besoin social. Cette habitude n’a rien de répréhensible dans la mesure où l’on ne médit pas et où l’estime de chacun n’est pas entachée.

«Ces rencontres permettent d’échanger de l’information personnelle. Il est essentiel que les entreprises, où nous passons 60 % de notre temps, fournissent de tels lieux d’échange.»

Dans les années 1950, de grandes sociétés ont cherché à éliminer ces occasions de bavardage considérées com­me des pertes de temps. «Là où l’on a enlevé les machines à café, l’esprit d’équipe en a souffert, et le climat s’est détérioré, affirme Luc Brunet. Et plus le climat se dégrade, plus les rumeurs circulent comme forme de contre-attaque.»

Ce phénomène qu’il a pu observer au cours de ses travaux a donné lieu à une autre publication plus récente, La violence au travail. Avec François Courcy et André Savoie, il a abordé cette fois les problèmes de violence physique, de harcèlement sexuel, d’intimidation et de violence verbale, autant de comportements à l’opposé du potinage et que de saines relations nouées autour de la machine à café permettraient peut-être d’éviter.

Cette seconde étude sur les aspects moins reluisants du travail était une nécessité puisque, selon Luc Brunet, l’Amérique accuse un retard de 10 ans par rapport aux recherches réalisées en Europe sur le harcèlement psychologique.

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