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Obésité: aide de l'État «inefficace», dit une étude

MONTRÉAL – L’État s’ingère indûment dans la lutte contre une épidémie d’obésité dont l’ampleur est exagérée, dénonce une nouvelle étude aussitôt décriée par un regroupement québécois sur la problématique du poids.

La mise en place de programmes sur la saine alimentation dans les écoles, l’imposition de taxes sur la malbouffe ou encore l’obligation d’étiqueter les informations nutritionnelles sont autant de mesures qui «diabolisent à tort» et «freinent la croissance des petites entreprises», soutient l’Institut Fraser dans un document publié lundi.

Ottawa devrait résister à la mise en oeuvre d’un trop grand nombre de mesures «énergiques» favorisant le «gonflement de la fonction publique», prévient Nadeem Esmail, directeur de la recherche sur les politiques de santé au sein de l’organisme de recherche de Calgary.

«Les interventions des gouvernements imposent des coûts sans discernement et diabolisent à tort certains aliments, fabricants et distributeurs de produits alimentaires», peut-on lire dans l’étude.

Ce n’est pas d’hier que l’Institut Fraser tient ce genre de discours sur la déresponsabilisation de l’État, souligne-t-on du côté de la Coalition québécoise sur la problématique du poids.

«L’ensemble de leur étude ramène au fait que la problématique de l’obésité revient seulement à l’individu», déplore la directrice de l’organisme, Corinne Voyer.

Or, le contrôle que les gens peuvent exercer sur leurs habitudes de vie ne se limite pas à la simple volonté, suggère-t-elle.

«Il appartient au gouvernement de mettre en place des infrastructures sportives accessibles, de s’assurer que les gens peuvent se déplacer à pied ou à vélo dans leur quartier ou que l’accès aux aliments sains soit plus facile que la malbouffe», illustre Mme Voyer.

Mais selon l’organisme albertain, les bienfaits de telles politiques publiques ne sont pas prouvés de façon empirique — et surtout, les données disponibles ne corroborent pas les allégations selon lesquelles il y aurait une «épidémie» d’obésité.

Selon Statistique Canada, le taux d’obésité est passé de 15,3 à 18,4 pour cent entre 2003 à 2011 pour ensuite se stabiliser.

«Par conséquent, au cours de la dernière décennie, le rythme de croissance a été observable, modeste et clairement pas exponentiel», plaide-t-on dans l’étude.

«Malgré les affirmations de certains politiciens, médias et partisans de la santé publique, il n’y a pas, au Canada, d’épidémie d’obésité causant un grand nombre de maladies et de décès. Par ailleurs, il est faux de prétendre que seul le gouvernement peut nous sauver de nous-mêmes», poursuit Nadeem Esmail.

De façon plus globale, en 2012, 52,5 pour cent des adultes canadiens (59,9 pour cent chez les hommes et 45,0 pour cent chez les femmes) étaient en surpoids ou obèses si l’on se fie à l’indice de masse corporelle déclaré par le répondant, d’après Statistique Canada.

Même si ces chiffres peuvent sembler élevés, le fardeau imposé par l’obésité au système de soins de santé pourrait bien être «largement surestimé», d’après l’Institut Fraser.

«En fait, selon un certain nombre d’études, le taux de mortalité des personnes en surpoids (mais non obèses), toutes causes confondues, pourrait bien être plus faible que celui des personnes de poids normal, et nettement plus faible que celui des personnes de poids insuffisant», est-il écrit dans le document.

Il s’agit là d’une «ligne de pensée» effectivement recensée dans certaines études, qu’il faut néanmoins interpréter de façon nuancée, analyse Corinne Voyer.

Par exemple, une chute qui nécessiterait une hospitalisation et qui serait potentiellement fatale pour une personne âgée de poids normal pourrait ne pas avoir les mêmes conséquences chez un aîné qui fait de l’embonpoint.

«Le fait d’être en embonpoint va te garder un petit peu plus longtemps en vie. Ça ne veut pas dire que ta qualité de vie est meilleure, par contre», expose-t-elle.

L’analyse et les comparaisons présentées dans le rapport de recherche de l’Institut Fraser sont fondées sur des données canadiennes, américaines et britanniques.

On y évoque, dans le chapitre intitulé «Le gouvernement peut-il guérir l’obésité?», l’existence d’un «lobby anti-obésité canadien» qui exerce des pressions sur les différents ordres de gouvernement.

À l’autre bout du fil, Corinne Voyer rigole lorsqu’on lui demande si la Coalition québécoise sur la problématique du poids fait partie du soi-disant lobby.

Elle juge qu’il y a davantage à craindre de l’influence que peuvent avoir sur les gouvernements des groupes de pression de l’industrie agroalimentaire comme l’Association des embouteilleurs de boissons gazeuses du Québec, qui représente des géants comme Pepsi et Coca-Cola.

«Ces groupes-là sont là pour s’assurer de faire du profit; ils sont inscrits à la Bourse. Ils ont des moyens financiers extrêmement importants. (…) On l’a vu dans le passé, ce sont des groupes qui financent la science, surtout en agroalimentaire», signale-t-elle sans aller jusqu’à dire qu’ils sont derrière la présente étude.

L’Institut Fraser est un organisme sans but lucratif enregistré. Sur son site Web, on peut lire qu’«il dépend entièrement des dons de gens convaincus de l’importance d’une recherche impartiale et qui défendent la liberté de choix, la réduction de l’intervention gouvernementale et la responsabilisation personnelle».

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