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Marc Ramsay: l'art de la préparation

Frédéric Daigle, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Préparer un boxeur en vue d’un combat de championnat du monde est un art qui demande un travail rigoureux de la part de l’athlète lui-même, mais autant, sinon davantage, de la part de son équipe.

Marc Ramsay, l’entraîneur de David Lemieux, est bien rompu à cet art: en Lemieux, Jean Pascal et Artur Beterbiev, actuel champion des mi-lourds de l’Internatinal Boxing Federation (IBF), Ramsay compte trois champions du monde à son actif. Il tentera samedi de ramener son protégé Lemieux (38-3, 33 K.-O.) au sommet du monde face au détenteur de la ceinture des poids moyens de la World Boxing Organization (WBO), l’Anglais Billy Joe Saunders (25-0, 12 K.-O.).

Ramsay a bien voulu nous expliquer sa méthode à quelques jours de ce combat. Incursion dans une fabrique de champions.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la préparation ne se fait pas majoritairement avec le boxeur. L’équipe établit avant tout le plan de match avant d’impliquer l’athlète.

«Camille (Estephan, président d’Eye of the Tiger Management, mais aussi promoteur et gérant de Lemieux) m’appelle toujours pendant les négociations, question de savoir mon opinion sur le ou les boxeurs visés, a expliqué Ramsay du gymnase Sherbatov MMA, où sont situés ses quartiers généraux. Souvent, je les connais d’avance, mais c’est à compter de ce moment que je prends la peine de les regarder de plus près une première fois. Je lui donne alors mon évaluation, mon analyse. Ça me donne déjà une première mesure.»

Une fois le boxeur identifié — mais surtout, le contrat signé —, Ramsay amorce le travail en gymnase.

«Au début du camp d’entraînement, je me concentre bien plus sur David que sur son adversaire. Je veux connaître l’état de mon boxeur, je veux savoir si j’ai un boxeur en santé pour commencer le camp: contrôle médical complet avec prises de sang, évaluation physique, etc. Souvent, tu commences un camp et tu te rends compte que tu as une carence, que ce soit en fer ou autre. Après six semaines d’entraînement, ce n’est plus temps d’apporter les correctifs. Il faut donc faire un contrôle médical serré.

«Une fois que c’est fait, tu dois t’assurer d’avoir la bonne approche technique et tactique pour battre le gars. Il faut aussi évaluer l’environnement: sommes-nous en instance de divorce, y a-t-il quelque chose autour de lui (ton boxeur) qui puisse le déranger? C’est seulement après avoir évalué tout cela qu’on commence à décortiquer l’adversaire de façon plus serrée.»

Encore là, le protégé de Ramsay n’est pas encore impliqué. Il sait bien à quel pugiliste il devra se frotter, mais son travail n’est pas encore axé sur son adversaire.

«Au départ, je le fais avec mon équipe (ses partenaires Luc-Vincent Ouellet et Samuel Décarie-Drolet). On essaie de trouver les points en commun. Quand les trois nous cochons la même case, on sait qu’on tient quelque chose! On construit alors la tactique pour le combat, mais aussi techniquement ce dont on va avoir besoin: le choix des coups de poing, la stratégie, etc.

«C’est là qu’on fait intervenir David, je dirais dans la deuxième portion du camp d’entraînement. Avant, on lui montre quelques trucs, peut-être une séance ou deux, pour lui montrer en gros ce que son adversaire fera. Les séances de vidéo spécifiques ne commencent toutefois pas avant la quatrième semaine. C’est là qu’on va établir spécifiquement ce qu’on veut faire dans le combat, les choses dont on doit se méfier. Ça devient un travail beaucoup plus minutieux.»

Un peu comme une équipe de football, le clan Lemieux a son «catalogue de jeux»: l’éventail de coups de poing disponibles dans son arsenal.

«Il y a des boxeurs qui n’ont qu’un seul coup de poing, ça te force à toujours y aller de la même façon, indique Ramsay. Avec David, qui a de bons crochets et un excellent uppercut, entre autres, on peut y aller de plein de manières différentes. Parfois, il ne s’agit pas seulement de la façon d’appliquer le coup, mais de le préparer aussi: comment faire les approches, les attaques. Est-ce qu’on veut le boxer de l’intérieur, l’extérieur, ou à mi-distance? La sélection de coups vient aussi influencer tout ça.»

Le travail de l’entraîneur est aussi de faire évoluer son boxeur, afin que ses prochains adversaires ne puissent pas facilement le décoder en regardant des films de ses combats passés. C’est en grande partie ce qui explique pourquoi Ramsay accorde autant d’importance à ce qu’il veut que Lemieux fasse contre Saunders, et non l’inverse.

«Si tu ne fais que te concentrer sur l’adversaire, tu n’es que réactif. Tu es toujours en retard. Nous, on veut imposer notre rythme. Ce qui est ‘le fun’ avec David, c’est qu’il peut boxer comme il peut cogner. Je peux faire beaucoup de choses et on a une grande capacité d’adaptation.»

Le clan Saunders croit d’ailleurs que la défaite à sens unique de Lemieux face à Gennady Golovkin, en octobre 2015, a dévoilé toutes les clés pour vaincre le Lavallois.

«Sans rentrer trop dans les détails, parce qu’il y a beaucoup de choses qui vont être mises en place samedi, on a travaillé sur plusieurs aspects depuis Golovkin, dont la gestion des gros événements, comme celui qu’on va vivre. David est un boxeur bien différent de celui qu’il était en octobre 2015. S’ils s’attendent à voir le même boxeur qui a affronté Golovkin à l’époque, ils vont avoir une grosse surprise!

«Le clan Saunders peut bien penser ce qu’il veut. Nous on sait ce qu’on va aller faire dans ce combat. On sait où sont ses forces et ses faiblesses et je ne suis pas très préoccupé de la façon dont il (Saunders) va se comporter.»

Le combat Lemieux-Saunders sera le clou du spectacle de l’imposante carte de 12 affrontements, présentés à la Place Bell de Laval à compter de 17 h. En plus de la ceinture de Saunders, trois autres titres seront en jeu et la finale sera retransmise sur les ondes de HBO.

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