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Cette image d’un groupe «antifa» (antifasciste: appellation utilisée pour qualifier certains militants de gauche), prise lors d’un rassemblement contre la conférence du suprémaciste blanc Mike Cernovich à l’Université Columbia, circule sur tous les groupes et les sites de droite depuis le 30 octobre dernier.
Elle montre des manifestants tenir une affiche où l’on peut lire: «Non à la suprématie blanche, non au dénigrement des pédophiles, non à Mike Cernovich.»
L’affiche est signée NAMBLA, une organisation américaine formée de pédophiles qui s’opposent à l’âge minimum de consentement pour avoir des relations sexuelles.
Ont donc fusé de partout les articles dénonçant la gauche (et les «antifas») «pro-pédophilie». Juste ça.
Des politiciens et militants de la droite américaine ont d’ailleurs partagé l’image, affirmant en même temps que la gauche essayait de la «censurer» et de la faire disparaître du web.
https://twitter.com/JackPosobiec/status/925147923398168576
They are trying to censor this image. It's coffin nails to the left. Retweet the crap out of it. Streisand effect! 🤗 pic.twitter.com/8adRZueldO
— Paul Joseph Watson (@PrisonPlanet) October 31, 2017
Buzzfeed News rapporte d’ailleurs que Donald Trump Jr, le fils du président américain, a «aimé» ce tweet de Mike Cernovich (l’image a depuis été retirée, mais plusieurs captures d’écran montrent qu’il s’agissait de la fameuse photo):
https://twitter.com/Cernovich/status/925152026174152704
Selon les médias de droite que j’ai consultés (et qui ont partagé l’image), la photo est plus qu’incriminante.
Pour faire court (pardonnez les généralisations), beaucoup de militants de la droite politique américaine accusent la gauche (autant les politiciens qu’Hollywood) de protéger/cacher des pédophiles (on pense au Pizzagate, par exemple). L’affiche des «manifestants» prouverait donc leur théorie.
Mais de telles accusations, peu importe qui les formulent, méritent un peu de recherche. Et lorsqu’on fouille un peu, on réalise assez rapidement que la réalité est complètement différente.
Les faits
L’auteur de la photo est Jake Offenhartz, reporter pour le Gothamist, qui couvrait la manifestation à l’Université Columbia. Il a été le premier à tweeter à propos de l’affiche, en affirmant, selon ses observations, que ceux qui la tenaient étaient en fait des membres de l’«alt-right» (l’extrême droite) qui avaient infiltré le rassemblement.
Selon son témoignage, au moins un individu masqué se serait faufilé à l’avant de la marche pour brandir l’affiche, avant de partir.
Sa photo a été reprise hors contexte par des militants de la droite.
Si l’image du tweet de Cernovich a été retirée, c’est parce qu’il l’a rapportée à Twitter. On ne parle pas de censure, comme le dénonce Cernovich, mais bien de droits d’auteurs.
Alt right strikes first at Columbia Cernovich event, plants NAMBLA-branded sign in front of protest march pic.twitter.com/IAw6yIeINC
— Jake Offenhartz (@jangelooff) October 30, 2017
Dans un article expliquant comment l’image a été détournée, Offenhartz rapporte les propos de témoins, présents lors des événements. «Quelqu’un a dit “vite, tenez ça” et puis a pris plein de photos», a affirmé une des organisatrices de la manifestation. «Quelqu’un a rapidement réalisé ce qui était écrit [sur l’affiche] et les a fait quitter. Malheureusement, ils ont eu ce qu’ils voulaient.»
Comme le note Buzzfeed News, une vidéo en direct de la manifestation montre que l’affiche n’était pas présente au début du rassemblement. Vers la marque des 9 minutes 45 secondes, elle apparaît en tête de la marche. Elle disparaît environ une minute plus tard.
"No fascists allowed at this campus," protesters chant, denouncing white supremacy@Columbia as @Cernovich speaks https://t.co/WxJswFer1F
— Brianna Sacks (@bri_sacks) October 31, 2017
Plus tard, Mike Cernovich, le premier à avoir repris la photo sans l’autorisation du journaliste, a publié un article où il qualifie les médias qui expliquent le contexte derrière la photo de promouvoir une «théorie du complot».
En résumé:
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Un journaliste a tweeté une photo de faux manifestants ayant infiltré un rassemblement
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L’alt-right l’a partagée partout sans contexte
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Le coup monté fait paraître la gauche comme «pro-pédophile»
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Les médias qui démentent les rumeurs se font accuser d’être conspirationnistes
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Le contexte, c’est important
Diagnostic:
Soyez vigilants!