Lucy Francineth Granados, une travailleuse sans-papiers expulsée du Canada en avril dernier, a raconté pour la première fois son arrestation, ses conditions de détention et son expulsion. Tournée il y a un mois à Guatemala City, la vidéo a été mise en ligne dimanche à l’occasion de la fête des Mères pour souligner son engagement auprès de sa famille.
«Être en détention a été très dur pour moi. J’ai traversé des moments où je pensais mourir, enfermée, sans pouvoir respirer», a raconté Mme Granados, dans une vidéo publiée sur YouTube par l’organisme Solidarité sans frontières. Pendant six minutes, assise sur un canapé depuis Guatemala City, la mine grave et la voix posée, Mme Granados raconte en espagnol la violence de son arrestation, son hospitalisation et sa détention de 23 jours au Centre de prévention de l’immigration à Laval.
«Je pense qu’ils m’ont arrêtée comme une criminelle, pire qu’une criminelle», a-t-elle dénoncé. Mais je ne suis pas une criminelle, je n’ai rien fait à Montréal pour être traitée de cette manière. Ils m’ont expulsée sans rien, seulement avec les vêtements que j’avais sur le dos.»
Menacée au Guatemala, Mme Granados espère maintenant revenir au Canada. Sa demande de résidence permanente pour motif humanitaire, déposée en septembre 2017, est actuellement à l’étude malgré son expulsion. Solidarité sans frontières, dont Mme Granados est membre, milite depuis plusieurs mois pour que son dossier soit accepté par le ministère de l’Immigration et qu’elle puisse revenir à Montréal, là où elle vit depuis 9 ans.
«Ici, c’est difficile», continue Mme Granados, visiblement toujours affaiblie par les blessures subies lors de son arrestation. Hospitalisée à deux reprises durant sa détention, Lucy Francineth Granados raconte avoir été blessée lors de son arrestation par les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Une plainte à cet effet a été déposée à la commission des droits de la personne et de la jeunesse contre l’ASFC.
«Elle a beaucoup d’angoisses, elle est vraiment anxieuse, elle n’ a aucun moyen pour aider ses enfants, notamment à cause de sa santé mentale, qui n’est pas bonne, mais aussi à cause de son bras: elle n’a pas récupéré de l’opération de sa main», a précisé à Métro Mary Foster, membre de Solidarité sans frontières, qui prend des nouvelles régulièrement de Mme Granados.
«Je ne sais pas ce que je vais faire ici, je n’ai aucun appui du gouvernement, rien. Ils m’ont expulsée les mains vides. Je ne sais pas comment je vais vivre dans ce pays.» – Lucy Francineth Granados.
Au Guatemala depuis près d’un mois, Mme Granados a reçu la visite de Rompiedo el Silencio, Briser le silence, un organisme canadien qui soutient les Guatémaltèques militant pour la justice sociale, politique et économique dans leur pays ou à l’étranger.
Mme Granados affirme être en danger dans son pays, menacé par le gang des Maras, qui aurait déjà tué quatre membres de sa famille. «C’est une des raisons qui l’a poussée à fuir du Guatemala», a rapporté Mary Foster.
Solidarité sans frontières espère maintenant pouvoir revoir Mme Granados à Montréal. L’organisme a lancé la campagne Ramenons Lucy! afin de faire pression sur le ministère de l’Immigration pour qu’il octroie à Lucy Granados son visa de résidence permanente. Mme Foster craint pourtant que son dossier ne prenne une tournure politique à cause de la plainte déposée contre l’ASFC, de la mobilisation des militants et de la couverture médiatique de cette affaire.
«Son dossier est fort, elle a des bons motifs, on est certain que, si l’agent avait regardé son dossier avant son expulsion, il aurait été accepté. Mais maintenant, il y a des circonstances politiques autour de son dossier», a soulevé la militante, qui ne perd pourtant pas espoir de revoir un jour Mme Granados se rétablir à Montréal.