Le nouveau guide alimentaire canadien, paru cette semaine, est «plus facile à comprendre», d’après la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor. Elle était sur les ondes de Tout le monde en parle (TLMEP) dimanche soir avec le spécialiste Sylvain Charlebois.
«Je dois être honnête: les gens nous ont dit que le dernier guide [paru en 2007] était compliqué à comprendre», a-t-elle expliqué. Pour simplifier des libellés comme «portions», elle dit avoir opté pour des termes «plus simples», comme «proportions».
Même s’il dit comprendre la démarche, le professeur en distribution et politique agroalimentaire de l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois, s’est dit «préoccupé par l’aspect socio-économique des fruits et légumes». «Oui, c’est souhaitable d’en manger plus, mais en même temps, la population se place plus vulnérable en termes de sécurité alimentaire à cause de ça», a-t-il fait savoir.
Selon lui, si le Canada veut sécuriser sa population en alimentation, il devrait envisager «sérieusement» d’investir dans la production de fruits et de légumes.
La ministre Petitpas Taylor a aussi précisé que le nouveau guide ne décourage pas la consommation de produits laitiers, malgré ce qu’on peut entendre. «C’est une bonne source de vitamine D, de calcium. Ces produits-là sont juste tombés dans une autre catégorie, celle des protéines […] On n’est pas ici pour dire aux gens d’en consommer moins, mais le guide doit refléter les besoins de tout le monde», a-t-elle dit.
Scientifique, oui ou non?
L’élue fédérale a défendu ardemment le caractère «scientifique» et «rationnel» du nouveau guide alimentaire. Un postulat qui n’a toutefois pas convaincu Sylvain Charlebois.
«Je ne suis pas certain que l’approche était purement scientifique. Il y avait un comité-directeur de 13 personnes pendant la processus. Des 13, la majorité des gens émanaient de facultés de nutrition et deux de sciences environnementales, a-t-il avancé. Si on veut adopter une approche scientifique, il faut permettre le débat, l’échange d’idées.»
Le manque de diversité au sein du comité de rédaction fait en sorte que le guide se base «sur les mêmes théories, les mêmes approches intellectuelles», d’après l’expert. «J’aurais aimé inclure des sociologues, des historiens, des économistes pour évaluer tout ça», a-t-il considéré.
Ginette Petitpas Taylor, elle, a persisté et signé. «Quand on parle de santé publique, je pense qu’on doit quand même avoir des professionnels en santé pour développer le guide, a-t-elle martelé. Ce n’est pas une question de politique, je veux que les besoins nutritifs des Canadiens soient comblés.»
Appelée à réagir sur la présence abondante dans le guide de protéines végétales, la ministre a tenu à rappeler que son gouvernement «n’essaie pas de faire la morale». «On veut expliquer sainement aux gens ce que seraient les options différentes pour manger des protéines, a-t-elle réagi. C’est surtout qu’il y a une variété d’aliments.»
À ce sujet, M. Charlebois a simplement souligné «qu’il manque déjà de tofu, actuellement». «6,4 millions de Canadiens ont décidé d’éliminer la viande de leur diète ou de limiter leur consommation. 68% d’entre eux ont 38 ans et moins. Et ils vont élever des enfants qui mangeront comme ça», a-t-il illustré.
«On a quand même un héritage alimentaire à conserver, a-t-il plaidé. La plupart des familles ont passé les Fêtes autour d’une pièce de viande […] À mon avis, ce qui manque dans le guide, c’est qu’il n’y a pas d’humanisme dans l’exercice.»
La ministre Taylor n’a pas directement réagi aux propos de l’expert, mais a affirmé avoir rencontré «plusieurs lobbys», dont celui de l’industrie de la viande, dans le processus. Elle a promis un guide alimentaire pour les Premières Nations en 2020.