Une étude a récemment démontré la taille gigantesque de notre empreinte environnementale, confirmant que la masse totale de tout ce qui a été construit par l’être humain dépassera bientôt la biomasse totale de la planète.
Depuis des siècles, l’humanité s’affaire à produire des matériaux et à les utiliser pour créer toutes sortes de choses, comme des ponts, des édifices, des ordinateurs et des vêtements. Et selon une étude menée par des scientifiques de l’Institut de science Weizmann, en Israël, la masse totale de ces matériaux a récemment égalisé la masse de tout ce qui vit sur la Terre.
2 Teratonnes, ou la masse anthropique totale que nous aurons produite d’ici 2040. C’est plus de deux fois la masse totale des organismes vivants de la Terre.
L’étude, publiée dans la revue Nature, montre qu’au début du 20e siècle, ce qu’on appelle la « masse anthropique » produite par l’humain équivalait seulement 3 % de la biomasse de la planète. Mais depuis, la quantité de choses que nous avons produites jusqu’à présent a largement dépassé l’augmentation de la population, qui a elle-même quadruplé pendant cette période. Le boom de production manufacturière a commencé après la Seconde Guerre mondiale avec la construction de grandes maisons unifamiliales, d’autoroutes et de tours à bureaux. Et cette tendance s’accélère depuis plus de 60 ans. Aujourd’hui, donc, nous produisons une masse anthropique plus grande que le poids réuni de chaque homme, femme et enfant à chaque semaine, en moyenne.
«Si l’on contraste la masse des choses produites par l’homme à la biomasse au cours du dernier siècle, on découvre une autre dimension de l’impact grandissant de l’activité humaine sur la planète», explique Emily Elhacham, chercheuse spécialisée en évaluation environnementale à l’Institut de science Weizmann.
Les scientifiques qui ont développé cette comparaison avec la biomasse espèrent que leur travail aidera l’humanité à se rendre compte de l’impact que nous avons sur la Terre.
«Le message à retenir, tant du côté des élus que du public, est que nous ne pouvons pas minimiser notre rôle comme étant petit en comparaison avec l’énorme planète Terre. Nous avons déjà un impact majeur
et je crois que cela apporte une responsabilité partagée.» – Ron Milo, professeur à l’Institut de science Weizmann et auteur principal de l’étude
«Cette étude montre à quel point notre empreinte environnementale globale a grossi, au point de dépasser notre «pointure de souliers». Nous espérons qu’en ayant ces chiffres ahurissants devant les yeux, nous pourrons, en tant qu’espèce, adopter des comportements plus responsables», résume Ron Milo, professeur à l’Institut de science Weizmann et auteur principal de l’étude.
Métro s’est entretenu avec le professeur Milo pour en savoir un peu plus.
Quatre questions à…
Ron Milo, Professeur à l’Institut de science Weizmann, en Israël
Pourquoi avez-vous décidé d’étudier la masse des objets créés par l’homme ?
En étudiant et en quantifiant la masse de ces objets, on obtient une donnée objective pour comparer le rôle des êtres humains sur la Terre. En comparant cela à l’ubiquité des choses vivantes, nous obtenons une nouvelle appréciation du fait que nous sommes devenus une force dominante qui façonne la surface de la Terre et la biosphère.
Comment avez-vous calculé cette masse ?
Il y a tout un secteur de recherche qui collige ce type de données à partir de bureaux de statistiques à travers le monde. Nous utilisons donc des études déjà publiées qui utilisent et agrémentent le Material Flow Analysis (l’analyse des flux de matériaux), avec l’appui du secteur de l’écologie industrielle. Ceci a produit de grandes bases de données pour tous les pays qui ont intégré un groupe basé en Autriche et qui ont servi de base pour notre analyse.
Quels sont les risques ?
L’équilibre entre les objets humains et les êtres vivants est fragilisé, au désavantage des êtres vivants. Ce qui a de nombreux impacts matériels et psychologiques pour notre propre bien-être. Par exemple, nous démontrons que la masse combinée de tous les édifices et les infrastructures dépasse celle de tous les arbres et arbustes. Nous démontrons aussi que la masse totale du plastique dépasse la masse combinée de tous les animaux terrestres et marins.
Comment pouvons-nous arrêter cette croissance ?
J’espère qu’une fois que nous avons vu ces données choquantes, nous pouvons, comme espèce, prendre nos responsabilités. Cela peut prendre différentes formes pour différentes personnes, à commencer par la taille de nos maisons, notre niveau de consommation et de recyclage et les politiques publiques prises par nos décideurs.