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Vétéran: du treillis à la rue

Vétéran itinérant

Montreal 10/22/2018, Café Mission Keurig, veterans and family well-being fund announcement with the Honourable Seamus O'Regan minister of Veterans Affairs

L’expérience militaire laisse parfois des cicatrices invisibles à l’œil nu.
Portrait d’un vétéran qui a connu l’itinérance, avant de se faire aider, pour trouver sa place parmi les civils.

C’est à 17 ans que Luc, âgé aujourd’hui de 55 ans, s’est enrôlé dans les Forces armées canadiennes.
Rapidement, il rejoint le corps de fantassins et intègre en 1983 le prestigieux corps d’élite.

Lui et ses hommes sont déployés pour de nombreuses missions liées à des conflits géopolitiques. Deux fois durant six mois en Bosnie-Herzégovine, au Moyen-Orient et en Afrique.

«Là-bas j’ai vu ce que l’être humain est capable de faire de pire, et qu’il peut descendre très bas», annonce le vétéran, qui replonge dans les fantômes de son passé.

«Il y a des choses que je n’ai pas le droit de dire, précise Luc, mais il y a une fois en intervention où je suis rentré dans une église, et il y avait des gens crucifiés aux murs.
Un collègue s’est mis à trembler, et on le lui a reproché en lui faisant comprendre qu’il n’était pas fait pour ça.»

Luc se souvient aussi de la première fois qu’il a dû ôter la vie à quelqu’un.
«C’était un couple de terroristes. Je devais négocier avec eux, mais j’ai vite compris qu’il n’y aurait pas de négociation.» 

«On est formé pour ça, et tant qu’on est dans le feu de l’action, ça va. C’est quand ça se calme que les images horribles reviennent», précise le vétéran.

Troubles post-traumatiques et descente aux enfers

Ce n’est qu’après des années d’interventions que Luc prend conscience de différents symptômes.

«Des flashs en pleine journée, des rêves la nuit. Parfois je roulais en voiture et je ratais ma sortie tellement j’étais absorbé par mes pensées. Quand je réalisais ça, je paniquais et je devais m’arrêter en urgence car je m’étouffais.»

Le militaire décide alors de consulter un médecin civil.
«Personne n’allait voir un médecin militaire, car on avait peur d’être classé “plus apte” et on craignait pour nos carrières.»

Ayant reçu un diagnostic de stress post-traumatique, Luc considère finalement qu’il n’est plus capable d’assumer ses responsabilités et quitte l’armée en 1994.

«Depuis des années, je donnais tout pour le job, on t’appelle et tu pars en avion dans les heures qui suivent. Je manquais les fêtes, les soupers. Une femme et des amis, j’avais fait une croix dessus», explique l’ex-militaire, qui se fait rattraper par son passé.

«J’allais faire mon épicerie et, à la caisse, il y avait des gens qui faisaient la queue derrière moi. Ça me mettait sous pression. Alors je laissais mon panier et je ressortais les mains vides.»

Selon les mots de Luc, à ce moment-là «les fils se sont touchés» dans sa tête.
Il explique qu’il n’était plus capable de garder un travail, ne supportant pas qu’on lui donne des ordres, et qu’il n’avait même plus envie d’avoir un appartement.

L’homme entame alors quatre années d’itinérance.

«Dans les foyers avec les autres itinérants, entre les problèmes d’alcool ou psychologiques, impossible de fermer l’œil. Moi je voulais juste dormir, alors j’étais mieux dehors. Mais je faisais de mauvaises rencontres», précise Luc, qui reconnaît aussi avoir «travaillé pour le crime organisé».

Remonter la pente grâce à Old Brewery

C’est dans un des foyers où Luc se rendait pour «prendre une douche et récupérer des vêtements» qu’il a entendu parler de la Mission Old Brewery, et du programme Les Sentinelles de rue, consacré aux vétérans itinérants.

Le service de restauration proposé aux vétérans itinérants par Mission Old Brewery. Crédit : Christian Blais, Mission Old Brewery

Au départ très sceptique, Luc devient finalement l’un des tout premiers à bénéficier du programme en 2017.

Logé à l’intersection de Jeanne-Mance et de Crémazie, il travaille comme entretien ménager et occupe le poste depuis deux ans maintenant.

Désormais autonome, il a déménagé dans un meilleur appartement à Parc-Extension et son dossier à la Mission Old Brewery va pouvoir être clôturé.

Avec pudeur, le vétéran se dit reconnaissant pour l’aide qu’il a reçue alors qu’il «ne s’attendait à rien».

Il évoque même la possibilité d’écrire un livre pour raconter son parcours, comme plusieurs personnes le lui ont déjà suggéré.

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