Un ex-policier et analyste en intervention policière, Daniel Cléroux, a lancé une controverse mardi matin en insinuant que Thomas Trudel, le jeune homme tué par balle dans Saint-Michel dimanche soir, n’était pas un membre d’une gang de rue parce qu’il est blanc. Un commentaire qui ravive le débat sur le profilage racial au sein de la police.
En entrevue à l’émission Salut Bonjour mercredi matin, Daniel Cléroux a affirmé que la victime de 16 ans, Thomas Trudel, n’avait pas le «profil» d’un membre de gang de rue «de par sa nationalité». Il décrit ensuite d’autres raisons expliquant pourquoi il n’a pas un tel profil.
Son commentaire, qui laisse sous-entendre que les membres de gangs de rue sont des personnes noires ou autrement racisées, a fait réagir plusieurs internautes sur les réseaux sociaux.
Le militant, documentariste et cofondateur de Hoodstock, Will Prosper, n’est pas étonné d’entendre ces propos dans la bouche d’un ex-policier. Il trouve cela tout de même «hallucinant» d’entendre cela en 2021.
«Parce que ça veut dire que le fond de pensée du policier est de se dire: quand je travaillais, je regardais à quoi ressemblait l’ethnicité de la personne, puis c’est là-dessus que je me basais», dit-il.
Selon M. Prosper, le fait de penser que les membres de gangs de rue sont tous des Noirs fait partie de la culture policière, et c’est aussi ancré dans la culture populaire. «Ça fait déjà des années qu’on associe le terme « gang de rue » avec des personnes noires. Ce n’est pas seulement la police, c’est la société dans son ensemble», ajoute-t-il.
Le SPVM se dissocie des propos
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a tenu à se dissocier «des propos inacceptables» tenus en entrevue par Daniel Cléroux dans un tweet publié mercredi après-midi.
«Cette personne ne parle pas en notre nom et n’a jamais été à l’emploi du Service», ajoute-t-on.
En juin 2020, le SPVM a reconnu «le caractère systémique du racisme et de la discrimination» à la suite du dépôt d’un rapport sur le racisme et la discrimination à Montréal.
Du même coup, l’organisation policière s’était aussi engagée à s’attaquer à ces enjeux.
Que le SPVM reconnaisse ce problème était d’ailleurs une recommandation du rapport déposé par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM). «La commission estime que le profilage racial et social sévit au sein du SPVM et qu’il constitue de la violence dirigée vers certains groupes racisés et vers les personnes autochtones», notait d’ailleurs l’OCPM dans son rapport.
Encore du chemin à faire
Au-delà de la reconnaissance du racisme systémique, le SPVM et toutes les forces policières doivent mettre en place des mesures concrètes pour contrer le profilage racial, indique Will Prosper.
Il propose de documenter toutes les interpellations. «Quand un policier contrôle une personne, il est obligé de lui donner comme un reçu pour dire: « Voici, aujourd’hui, je vous ai identifié »», explique le militant.
Ainsi, si une personne reçoit cinq à dix «reçus» au courant du mois, elle aura des preuves. «On pourra documenter c’est qui le policier par mois qui fait le plus de contrôles de personnes noires. Parce que, en ce moment, il n’y a aucun moyen pour les superviseurs de documenter si un seul policier fait plein de profilage racial. Il n’y a rien qui est en place», explique M. Prosper.
Il rappelle du même coup qu’une personne noire se fait cinq fois plus interpeller par la police. «Tout le monde dans nos communautés écope de ce stigma, de cette étiquette qui est négative», déplore-t-il.