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Intoxications au GHB: des protège-verres qui ne font pas l’unanimité

L'initiative «Check ton verre» a pour objectif d'attirer «l'attention sur les responsabilités individuelles» et d'encourager l'adoption de comportements sécuritaires, ce qui s'éloigne de la sensibilisation collective selon plusieurs.

Plusieurs organismes ne sont pas convaincus que le nouveau protège-verre en aluminium soit la meilleure approche pour limiter le phénomène des intoxications involontaires au GHB ou à d’autres drogues. Lancée jeudi soir à Montréal par le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et Éduc’alcool, l’initiative «Check ton verre» dit viser à attirer «l’attention sur les responsabilités individuelles», en encourageant des comportements sécuritaires. Or, pour certains, il vaudrait mieux miser sur une approche de sensibilisation collective contre les intoxications.

«Cette initiative constitue un recul, affirme l’épidémiologiste Kevin L’Espérance, qui a cofondé en 2014 Sans oui, c’est non!. Cette campagne, c’est un diachylon sur un bobo parce qu’on ne s’attaque pas aux agresseurs et aux gens qui font ces choses-là. Au lieu de s’attaquer à la source du problème, on dit aux gens d’être à l’affût d’une potentielle agression dans un bar au lieu de pouvoir boire un verre avec un sentiment de sécurité. On met le poids sur les victimes, et je ne crois pas que ce soit la bonne approche.»

Une responsabilité individuelle?

Cet avis est partagé par l’organisme Le Collectif social, à l’origine du protocole Commande un Angelot visant à prévenir ces situations et à venir en aide aux personnes en difficulté lors d’intoxications. L’organisme croit que cette initiative est davantage influencée par une approche de responsabilisation individuelle que par une approche de responsabilisation collective.

«Je sais qu’il y a des personnes qui sont heureuses d’avoir ce support lorsqu’elles sont dans un bar, soutient la directrice générale du Collectif, Andréanne St-Gelais. On comprend qu’il y a différentes manières d’attaquer ce problème, et c’est certain que cette mesure va empêcher des agressions, mais notre organisme s’inscrit dans une optique de responsabilité collective plutôt qu’individuelle dans le but d’éviter que les gens se sentent coupables lorsqu’elles et ils ont été drogués.»

La députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Manon Massé, a vivement dénoncé cette initiative qui effectue de la sensibilisation au mauvais endroit, selon la solidaire. «Les témoignages se multiplient dans l’espace public et abondent tous dans le même sens: la drogue du viol, ça concerne tout le monde. Alors, pourquoi sortir une campagne qui met encore toute la responsabilité sur les victimes? C’est aberrant et insuffisant», a-t-elle affirmé.

Une mobilisation collective

En plus de la prévention des intoxications involontaires au GHB ou à d’autres drogues, les protège-verres ont comme fonction de limiter la consommation excessive. C’est dans cet esprit qu’Éduc’alcool s’est associé à cette initiative, fidèle à son mandat de promouvoir des comportements responsables lors de l’usage d’alcool.

«Plusieurs personnes troquent des verres standards d’alcool pour des shooters pour éviter de surveiller trop longtemps leur verre, de peur de consommer des substances illicites, précise la directrice générale d’Éduc’alcool, Geneviève Desautels. Ce genre de réflexe entraîne une surconsommation néfaste à court, moyen et long terme, en lien avec les intoxications à l’alcool. C’est pour cela qu’on a mis un code QR sur les protège-verres, qu’on a nommé Calcoolateur, dans le but d’aider les gens à modérer leur consommation.»

Éduc’alcool a été la cible de plusieurs critiques quant au projet «Check ton verre». On lui reproche notamment de faire porter la responsabilité sur les individus lors de leur consommation au lieu de promouvoir une conscientisation collective contre les intoxications et les répercussions de ces actions sur les victimes. Mme Desautels n’est pas de cet avis, soutenant que le protège-verre individuel est le fruit d’un travail collectif pour rendre la consommation d’alcool plus sécuritaire.

«Je trouve ça dommage qu’on nous dise que ce projet est une responsabilisation individuelle seulement. Un écosystème au complet a été mobilisé: le gouvernement du Québec, le SPVM, Éduc’alcool et les multiples tenanciers de bars qui ont adhéré à ce projet pilote pour rendre leurs établissements plus sécuritaires pour la clientèle. Ce mouvement a généré une discussion collective en plus de mettre sur pied un outil facile à employer qui permet de réduire les cas individuels d’intoxication, donc je dirais que c’est une responsabilisation collective en même temps qu’une responsabilisation individuelle.»

Au cours des prochains mois, ce sont 10 000 protège-verres qui seront distribués dans les établissements licenciés de Montréal et lors de certains événements. Le projet pilote se tiendra jusqu’à la fin août et les résultats seront ensuite analysés par Éduc’alcool en vue d’établir s’il y a lieu de poursuivre la distribution de protège-verres.

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