Un mois après le dévoilement de la stratégie pour le Village de l’administration Plante, le cauchemar continue pour les commerçants du quartier. Alors qu’une certaine quiétude semble s’être installée la journée, le climat d’insécurité perdure la nuit, notamment à l’est de la rue Sainte-Catherine.
Le propriétaire du bar le Cocktail, Luc Généreux, avait pris la difficile décision de fermer sa terrasse à cause du climat d’insécurité avoisinant qui impactait directement sa clientèle. Bien qu’il l’ait réouverte suite à l’annonce de la ville, il déplore que la situation ne se soit pas améliorée.
«Depuis qu’ils ont dévoilé le plan d’intervention à tout le monde, les commerçants et les résidents du secteur avaient un certain espoir, mais dans la portion est du Village, il y a absolument rien qui a changé, explique Luc Généreux. Est-ce que le plan rate la cible, ou encore, est-ce que c’est insuffisant? Je ne le sais pas, mais une chose est sûr, ça n’a rien changé et le sentiment d’insécurité demeure entier.»
Luc Généreux affirme ne pas voir plus de policiers dans le secteur alors que le plan d’intervention de l’administration Plante y prévoit l’ajout d’une quarantaine d’agents de police. Il soutient que certaines heures sont «pires que d’autres», notamment la nuit, ce qui amène un sentiment d’insécurité chez ses employés qui quittent aux petites heures son commerce.
Le personnel de beaucoup de commerces circule à ces heures-là et ils ne se sentent pas en sécurité. Ils ne partent jamais seuls et quand ça peut se faire, ils évitent la rue Sainte-Catherine.
Luc Généreux, propriétaire du Cocktail
Deux sources intervenant auprès des populations vulnérables dans le Village appuient le constat de Luc Généreux. Selon elles, la présence policière a un effet, mais entre le jour et la nuit, la différence est remarquable. Elles expliquent qu’au cours de la nuit, il serait plus difficile pour les personnes intoxiquées de trouver un trafiquant, ce qui amènerait des comportements plus agressifs.
Une insécurité à géométrie variable
En plus de l’est de la rue Sainte-Catherine, des enjeux de sécurité sont perçus dans la portion ouest du quartier. La situation se serait cependant améliorée dans sa partie plus centrale aux abords de la station Berri-UQAM. C’est ce que constate Danny Jobin, le propriétaire de plusieurs établissements dans le Village dont le Stock, le Date Karaoké et le District Video Lounge.
«Dans le centre du Village, on a pas vu une amélioration, mais un peu plus de protection, explique Danny Jobin. On a une présence policière qu’on n’avait pas avant, et c’est plus sécuritaire pour cette section-là, mais la section est du Village c’est horrible je ne comprends pas.»
Il remarque que la présence policière la journée permet de faire régner un certain calme dans son secteur, mais ce calme disparaitrait à la tombée du jour.
«La nuit il y a une problématique plus à cause de la drogue, explique Danny Jobin. C’est sûr que ça ne peut pas être beau tout d’un coup, mais je vois une lueur au bout du tunnel parce que je vois qu’il y a plus d’effectifs de police le jour, mais il en manque encore énormément.»
Il souligne l’importance et le travail de la Société de développement (SDC) du Village. Selon lui, sans le travail de la SDC, la situation serait «encore pire».
L’administration Plante dévoilait une stratégie pour l’avenir du Village le 22 juin. Celle-ci découlait d’un Forum sur le sujet ayant eu lieu un an auparavant. Cette stratégie prévoit notamment l’augmentation des effectifs de police et de l’équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS) sur le terrain.
«On ne lâchera pas, on veut que ce soit sécuritaire et les efforts des derniers mois commencent à porter fruit, avait déclaré la mairesse lors de l’évènement. Il faut aussi avoir une vision d’avenir et je pense que c’est d’honorer tout le travail des résidents et autres qui sont investis.»
La stratégie prévoit aussi la mise en place d’un comptoir de services de première ligne en santé et services sociaux pour répondre aux enjeux de santé mentale qui touchent les populations marginalisées fréquentant le secteur.
De son côté, le cabinet de la mairesse Plante explique être «extrêmement sensible» au climat social qui règne dans le Village et soutient que des «résultats se font sentir». Il ajoute qu’il faudra du temps avant de «renverser la vapeur sur cette crise dont l’ampleur prend des proportions insoutenables».
«La situation dans le Village est toutefois extrêmement complexe, tout comme le sont les enjeux liés à l’itinérance et à la crise des surdoses partout au Canada, explique le cabinet. Bien que tous les partenaires soient à pied d’œuvre, de jour comme de nuit, pour déployer la stratégie pour le Village – notamment par la mise en place du comité de gouvernance et le comité de résidents – ses effets continueront de se faire sentir avec le temps.»
Plus de 3 000 interventions policières
Une cellule de crise multipartite est mise en œuvre dans le secteur du Village depuis le 6 mars dernier. Jusqu’au début du mois de juillet, plus de 3 000 interventions policières ont eu lieu, dont 700 arrestations. Nombre des interventions visaient à référer ou accompagner des personnes en situation de vulnérabilité vers des services d’aides appropriés.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) explique que les effectifs supplémentaires proviennent d’une réaffectation temporaire d’autres effectifs policiers sur le territoire des postes de quartier (PDQ) 21 et 22. Ces effectifs permettent notamment une présence de patrouilleurs à vélo pour «assurer une plus grande visibilité policière et augmenter le sentiment de sécurité».
Il spécifie qu’une «intervention préventive ponctuelle répétée demeure la meilleure option afin d’offrir un soutien souvent lié aux besoins de base et à l’atténuation des comportements indésirables». L’objectif de ces démarches serait ainsi d’agir sur l’environnement des personnes en situation d’itinérance ainsi que sur leurs comportements à risque.
Il n’y a pas de réponse unique à des enjeux aussi complexes que ceux que l’on retrouve dans le Village et la population peut également jouer un rôle [en appelant le 911 ou un poste de quartier].
Service de police de la Ville de Montréal (SPVM)
Sur le terrain, les agents de police collaborent de manière intégrée avec des intervenantes et intervenants de l’EMMIS, du personnel civil de l’Équipe de concertation communautaire et de rapprochement (ECCR) du SPVM soutenu temporairement par une intervenante ou un intervenant social du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CCSMTL).
«[Ces démarches] ne visent pas les individus eux-mêmes, mais leurs actions», explique le SPVM.
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