Montréal

Montréal «ville sanctuaire»: c’est quoi?

Le maire Denis Coderre compte faire adopter dès lundi soir, au conseil municipal, une déclaration désignant Montréal «ville sanctuaire». Mais que signifie réellement ce terme qui vise à protéger les migrants sans papiers? Quelles personnes sont visées? Quelles mesures vont être prises et comment sont-elles perçues par les intéressés? Métro vous éclaire.

Donald Trump visé
Tout est parti d’un tweet envoyé à Donald Trump le 31 janvier, qui venait d’interdire, par décret, l’entrée aux États-Unis aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane. Alors qu’aucune politique en ce sens n’avait encore été adoptée par le conseil municipal, Denis Coderre écrit au président américain et annonce que Montréal «est une ville sanctuaire et fière de l’être». «Nouveaux arrivants et réfugiés sont les bienvenus ici», poursuit le maire dans son tweet.

Interrogé par Métro, Denis Coderre évoque un contexte international tendu, notamment en Europe et aux États-Unis, pour prendre cette décision. «C’est sûr, il y a des liens de cause à effet. Montréal est déjà une ville solidaire, on a un rôle à jouer et je prends mes responsabilités», assure l’élu, précisant ne pas vouloir «bâtir des murs, mais des ponts».

Los Angeles, première ville sanctuaire
Ce terme est adopté pour la première fois en 1979 à Los Angeles. Depuis, des dizaines de villes américaines ont emboîté le pas, comme Chicago, San Francisco, Boston ou encore New-York. À ce jour, le Canada ne compte que quatre villes sanctuaires: Toronto, Hamilton et London (Ontario), ainsi que Vancouver (Colombie-Britannique). Chaque ville est néanmoins libre d’appliquer ses propres règles et principes. Aucune institution internationale ne chapeaute ou octroie ce statut.

Protéger sans dénoncer
Offrir une protection aux sans-papiers, sans risque de déportation: telle est l’idée de base d’une ville sanctuaire. «À l’origine, ce sont même les policiers de Los Angeles qui ont poussé pour adopter cette politique, explique Jaggi Singh, porte-parole de Solidarité sans frontières. Ils voulaient créer un lien de confiance pour les aider à résoudre des crimes. Les sans-papiers pouvaient vivre comme des résidents, sans craindre d’être expulsés par la police.»

Dans cette lignée, l’administration Coderre va faire appel au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Dans la déclaration qui sera adoptée au conseil municipal, la Ville indique vouloir élaborer avec le SPVM «une approche pour s’assurer qu’une personne sans statut légal dans une situation de vulnérabilité puisse avoir accès aux services de sécurité publique municipaux sans risque d’être dénoncée aux autorités d’immigration ou déportée». Les sans-papiers possédant un dossier criminel ou représentant des cas de «sécurité nationale», selon Denis Coderre, seront néanmoins exclus de ces mesures.

Quelles mesures?
Cette politique pourrait toucher près de 50 000 sans-papiers à Montréal, selon Solidarité sans frontières. Si les mesures proposées par l’administration sont quant à elles encore floues, le maire énumère principalement des services touchant l’habitation et les soins de santé. «Ça va changer beaucoup de choses», promet Denis Coderre, évoquant «un geste de solidarité».

Concrètement, un immigrant ne disposant pas encore d’un statut légal pourrait bénéficier des services publics proposés par Montréal sans devoir présenter de pièce d’identité et courir le risque d’une dénonciation qui entraînerait une expulsion. «Il ne faut pas laisser les gens à eux-mêmes, reprend le maire, qui dit «bien comprendre la réalité des mouvements de personnes» en tant qu’ex-ministre fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration (2002-2003). La Ville précise qu’un plan d’action va être élaboré après différentes consultations et indique qu’une demande au gouvernement Trudeau va être envoyée afin «de mettre en place un programme de régularisation pour les résidents sans papiers».

Une «improvisation» dénoncée
Cette déclaration ne fait pourtant pas l’unanimité. Pour l’organisme Alternatives, qui défend la justice et l’équité au Québec, cette déclaration ne serait que «symbolique». «C’est notre crainte, avoue Michel Lambert, directeur général. On parle de ce concept car on vit une crise, mais rien ne semble clair.»

Un sentiment partagé par Solidarité sans frontières, qui dit réclamer cette adoption depuis 2009. L’organisme, qui veut s’assurer d’une plus grande protection pour les sans-papiers, dénonce une «improvisation» et une déclaration «très limitée» de la part du maire Coderre.

«C’est de l’opportunisme, raille Jaggi Singh. On a ouvert la discussion, c’est bien, mais j’ai peur qu’une telle demande, sans mesures concrètes et efficaces, ne soit encore pire. On va donner aux sans-papiers l’impression que leur quotidien est sécuritaire, mais ce ne sera pas le cas. Ça va briser tous les liens de confiance existant. La Ville doit absolument proposer quelque chose de plus substantiel.»

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