Du pesto qui fera le tour du monde et des vignes qui produiront du vin d’ici deux ans : décidément, le toit du Palais des congrès héberge un bien curieux incubateur, qui accueille en plus des personnes en réinsertion sociale. Visite guidée en trois temps de l’AU/Lab: le laboratoire de recherche, d’innovation et d’intervention en agriculture urbaine au service de la communauté.
Pesto solidaire!
Saviez-vous que le toit du Palais des congrès hébergeait une ferme expérimentale de 15 000 pieds carrés? Ginette, elle, le sait parce que les plantes qui y poussent y croissent en partie grâce à elle et aux cinq autres agriculteurs urbains délégués par la Maison du père et le refuge La Rue des femmes à raison d’une matinée par semaine. «C’est un vrai plaisir d’être là. Chaque semaine, on voit le jardin qui progresse», confie-t-elle.
Les herbes cultivées dans ce champ vertical peu commun seront ensuite mises en pot, avant d’être notamment offertes aux futurs congressistes comme cadeau de bienvenue. Le basilic, lui, sera transformé en pesto dans les prestigieuses cuisines de l’hôtel Reine Elizabeth, qui en fera ensuite la vente.
Pour les apprentis agriculteurs de ce projet alliant réinsertion et agriculture urbaine, ce sera l’occasion de se familiariser avec la transformation alimentaire avec le chef Baptiste Peupion, qui signe la recette, et de pousser les portes d’un lieu qui leur est habituellement inaccessible.
«Cet été, avec plusieurs autres organismes, on va tenir une table ronde sur les enjeux de l’agriculture urbaine dans les projets de réinsertion sociale. On veut tisser des liens entre nous, évaluer l’ensemble de l’offre, étudier les meilleures pratiques et s’assurer que toutes les catégories de population soient bien couvertes par ces pratiques de médiation sociale», explique Alice Berthe, qui s’occupe du volet social des projets d’AU/LAB.
Laboratoire à ciel ouvert
L’avenir de agriculture urbaine s’écrit en partie sur les toits de Montréal. Depuis 2011, année où l’on testait surtout différents types de bacs de plantation, la recherche s’est complexifiée.
Sur la partie sud-est du toit, un œil non averti ne verra qu’une vingtaine de bacs contenant des piments. C’est parce que c’est au niveau du terreau que se situe la recherche. Il y a le terreau issu des résidus de la champignonnière montréalaise Blanc de Gris, celui issu des déchets organiques de la ferme de Montréal-Ouest Pousse-Menu et le compost conçu à Lachute à partir du bac brun des Montréalais.
«Pour chaque pot, on évalue la croissance, le taux de rétention d’eau, le PH du sol et sa température», précise Josianne Bilodeau, horticultrice du laboratoire. L’idée derrière ce projet est de favoriser la réutilisation de produits locaux.
Parmi les autres tests réalisés sur place, il y a ces intrigants murs végétalisés où AU/Lab évalue les semences les plus réceptives et où les agriculteurs urbains expérimentent un système de percolation et de récupération de l’eau à travers un système de gouttières et de tuyaux qui ramène l’eau dans une citerne où elle servira de nouveau à irriguer.
On y trouve aussi le premier projet à avoir été testé sur le toit en 2011, soit le toit végétalisé de la firme ontarienne ZinCo, qui prouve qu’un toit vert bien réalisé peut durer, même sans arrosage.
Château Palais
Sur le toit du Palais des congrès de Montréal, on retrouve 80 pieds de vignes de quatre cépages différents: le Frontenac (noir et blanc), le Marquette et le Petite perle. Outre la particularité de faire pousser des vignes en pot en plein centre-ville, Véronique Lemieux, la fondatrice de Vignes en ville, teste l’utilisation de verre broyé issu du recyclage des bouteilles de vin.
«Nous pourrons ainsi mesurer l’efficacité du verre comme paillis qui, grâce à la réverbération des rayons lumineux, permettrait un mûrissement accéléré des plants en milieu froid», déclarait la jeune femme ce printemps lors de l’annonce d’une entente de soutien de la Société des alcools du Québec ce printemps. Elle a depuis planté 60 autres pieds de vigne sur le toit de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. Le prochain défi de la jeune viticultrice: venir à bout du scarabée japonais qui semble s’attaquer aux feuilles de certaines de ses vignes.