La loi 144, entrée en vigueur le 1er juillet, permet désormais aux élèves sans-papiers de fréquenter gratuitement l’école. À quelques jours de la rentrée, Éducation sans frontière s’inquiète pourtant que la loi ne soit pas bien appliquée.
Avant cette année, les parents des élèves sans-papiers devaient débourser de 5000$ à 7000$ par année. Un montant qui aurait découragé plus de 1000 élèves à fréquenter les écoles du Québec, dans les dernières années, selon le ministère de l’Éducation.
Alors que les inscriptions pour cette année sont terminées, aucun chiffre n’indique que plus d’enfants se sont inscrits grâce à la nouvelle loi.
«On est toujours préoccupé que la situation n’ait pas beaucoup changé pour ces enfants exclus des écoles, malgré la loi, c’est toujours un problème», a soulevé Steve Baird, d’Éducation sans frontières, qui exprimait déjà des réserves en mai dernier.
La loi est bonne, a-t-il ajouté, mais selon lui, elle sera inutile si les commissions scolaires n’informent pas mieux les familles du changement des exigences d’inscription.
«On aimerait que le gouvernement fasse un suivi de l’application de la loi. Il doit y avoir une façon d’évaluer si les enfants exclus des écoles l’ont intégrée, et savoir combien l’ont fait. En ce moment on ne sait pas s’il y a une évaluation qui va se faire», a-t-il déploré.
Actuellement, la Commission scolaire de la Pointe de l’île, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) et celle de Laval continuent d’indiquer sur leur site internet qu’un document d’immigration est requis aux élèves étrangers pour être exemptés des frais de scolarité. Or, c’est justement un des points qui a été assoupli par la loi pour permettre à ces élèves de ne pas être exclus du système éducatif.
La CSMB, a indiqué à Métro que les informations sur son site n’étaient effectivement pas à jour, et qu’ils ne demandaient plus de preuve de statut d’immigration aux élèves.
La loi prévoit qu’un élève puisse bénéficier de la gratuité en ne présentant qu’une pièce d’identité et une preuve du lieu «où demeure de façon habituelle au Québec le titulaire de l’autorité parentale», ainsi qu’une preuve de lien familial entre l’adulte et l’enfant. Éducation sans frontière croit que cette clause n’est pas suffisamment souple, puisque de nombreux enfants sans-statuts vivent chez un membre de leur famille, sans qu’il soit officiellement titulaire de la charge parentale.
Les commissions scolaires peuvent faire du cas par cas pour permettre à certains enfants de ne pas payer de frais, mais cette méthode ne rassure pas l’organisme.
«On n’a pas beaucoup de confiance dans les procédures de cas par cas où on évalue chaque enfant. Dans notre expérience, ça s’est toujours mal passé. Si enfant habite chez un autre membre de sa famille, qu’il soit directement exempté. On ne comprend pas bien l’intérêt de faire payer quelques enfants pour ça», a-t-il lancé.
Il serait très compliqué pour plusieurs élèves de faire reconnaitre que leur titulaire de charge parentale habite bel et bien au Québec, certains n’ont tout simplement pas de titulaires sur le territoire.
À la CSMB, ces documents n’empêcheront pas un enfant de s’inscrire à l’école. «On procède tout de même à l’inscription, on y va avec les papiers qu’on a, on ne veut pas retarder l’enfant. D’aucune façon l’enfant ne sera pénalisé par ce que le dossier n’est pas complet», a expliqué la conseillère en communications à la CSMB, Gina Guillemette.
Enfin, la loi empêche désormais les commissions scolaires de vérifier certaines informations directement auprès de Citoyenneté et Immigration Canada. Elles peuvent tout de même le faire si les familles donnent leur consentement. Cette nuance, a expliqué Barbara Fritz, d’Éducation sans frontières, n’a pas non plus été assez mise de l’avant.
«Les familles vont encore avoir très peur d’inscrire leurs enfants à l’école, d’où l’importance que ces familles soient vraiment rassurées sur le fait que leur statut ne sera pas dévoilé», a-t-elle dit.