Montréal

Le Canada soupçonné d’être responsable de la migration forcée des Honduriens

A new group of Central American migrants who waded in mass across the Suchiate River, that connects Guatemala and Mexico, walk in single files after making it to shore in Ciudad Hidalgo, Mexico, Monday, Oct. 29, 2018. The first group was able to cross the river on rafts — an option now blocked by Mexican Navy river and shore patrols. The migrants were initially blocked by a wall of Mexican Federal Police, but then eventually allowed passage. (AP Photo/Santiago Billy)

Depuis le 12 octobre dernier, des milliers de Honduriens marchent vers les États-Unis. Ils fuient la violence et la misère de leur pays. Pourquoi sont-ils partis? Pourquoi sont-ils si nombreux? Des voix s’élèvent et accusent les entreprises minières, majoritairement canadiennes et soutenues par le gouvernement fédéral, de déstabiliser des régions entières.

Ils étaient une trentaine, mercredi matin, à marcher dans les rues du centre-ville de Montréal pour dénoncer l’attitude de certaines entreprises canadiennes présentes au Honduras et du gouvernement fédéral, qui entretient des liens étroits avec ce pays d’Amérique latine.

Ces manifestants ont décrié l’extractivisme, soit le principe de baser un large pan de l’économie d’un État sur l’extraction et la vente de ressources minières. Les opposants de l’extractivisme dénoncent la déforestation engendrée par ce type d’extraction, ainsi que la destruction de terres autochtones, principalement en Amérique centrale et du sud. Le Canada et les États-Unis sont régulièrement montrés du doigt pour participer à ce genre de projets.

«[Près de] 75% des entreprises minières sont enregistrées au Canada et 90% des investissements miniers du Honduras sont canadiens», ont lancé les manifestants.

Pour Marie Bordeleau, du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), le Canada a sa part de responsabilité dans la migration forcée des Honduriens.

«Les minières sont un facteur de précarisation. Ça rend les gens vulnérables. D’un côté, on détruit la terre. Les gens ne peuvent plus subvenir à leurs besoins de façon autosuffisante. Après, ce qu’on leur propose comme travail, c’est des emplois précaires, dangereux et non syndiqués», a-t-elle souligné.

La manifestation s’est arrêtée quelques minutes devant l’immeuble de l’entreprise Gildan sur le boulevard de Maisonneuve, un fabricant canadien de T-shirts qui emploie 10 000 personnes dans son usine de San Pedro Sula, la plus grosse ville du Honduras. Les manifestants ont accusé l’entreprise de faire du «dumping social» en créant des emplois précaires au Honduras, contribuant à maintenir le pays dans la pauvreté.

En 2014, le Tribunal permanent des peuples (TPP), une vaste initiative citoyenne, avait statué sur la responsabilité du Canada, des entreprises minières et des États d’Amérique latine, dans la violation des droits humains, du droit à la vie et du droit à un environnement sain.

«Peu de temps après le coup d’État au Honduras [en 2009], il y a eu des rencontres entre les gens de l’ambassade canadienne et des investisseurs canadiens de toutes les industries, avec le nouveau gouvernement [hondurien] pour négocier des accords de libre-échange et une reforme minière», a précisé Mme Bordeleau.

Après une vaste enquête, ils ont révélé les liens entre l’industrie minière et la contamination de sols et la déforestation. Ces phénomènes ont entraîné des mouvements sociaux et des déplacements de populations. Enfin, le TPP a mis en lumière les politiques répressives des États d’Amérique latine visant à empêcher les populations locales de s’opposer à ces projets. Des recherches ont démontré qu’au moins 20 assassinats et 25 attentats ont été organisés contre des opposants aux projets miniers d’entreprises canadiennes.

Pour Mme Bordeleau, il est indéniable que le flux migratoire actuel en direction des États-Unis est lié à l’industrie minière canadienne.

«Le mot caravane a beaucoup été utilisé, ce n’est pas notre mot préféré. Il ne faut pas occulter qu’il y a un aspect politique à cette situation. C’est vraiment un mouvement de masse de migration forcée. On parle d’exode», a-t-elle nuancé.

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