Trop souvent banalisé par les autorités policières, le vol de vélos à Montréal doit être pris davantage au sérieux, plaide l’opposition officielle. Deux élus somment la Ville et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) de créer une escouade dédiée à ces délits, qui surviennent en moyenne cinq fois par jour et plus de 1800 fois par année dans la métropole.
«Il faut travailler activement à l’arrestation des voleurs, notamment avec des techniques d’appât», résume le conseiller dans Marie-Clarac, Abdelhaq Sari. Selon lui, en 2017, seules 24 arrestations et accusations ont eu lieu à Montréal en lien avec des vélos, alors que le nombre de dénonciations est beaucoup plus grand.
«La police a clairement un rôle à jouer pour ne pas banaliser ce crime, poursuit l’élu. L’escouade pourrait aussi réfléchir à des campagnes de sensibilisation dans les cégeps et les universités, où il y a beaucoup de cyclistes et d’usagers du transport actif.»
Son collègue, le conseiller dans le district de Bois-de-Liesse Benoit Langevin, abonde dans le même sens. Il condamne qu’un seul abri-vélo soit en opération sur l’île de Montréal et demande à la Ville d’en construire davantage incessamment. «Dans tout le réseau de la STM et dans toutes les gares de train, pour moi, on devrait encourager les gens à prendre le transport actif», affirme-t-il.
Si l’implantation de 78 places de vélos a coûté un demi-million de dollars à exo à la gare de trains de banlieue Deux-Montagnes, «on a une idée des coûts que ça peut représenter» et ainsi déterminer un budget pour agir rapidement, plaide M. Langevin.
«On se demande comment ça se fait qu’une administration qui parle de vélos à chaque mois n’aborde pas aussi la question de sécurité. C’est un incitatif à la mobilité active.» -Benoit Langevin, conseiller dans Bois-de-Liesse
Au-delà des infrastructures en place, les méthodes de sensibilisation auprès du public – comme le burinage, offert dans presque tous les postes de quartier du SPVM – doivent aussi être améliorées, d’après Benoit Langevin.
«Le service n’est pas suffisamment utilisé par les 1,1 million de cyclistes à Montréal, soutient-il. La question, c’est est-ce que suffisamment de gens y vont ou est-ce qu’il y assez d’accès? Je l’ai essayé dimanche dernier et j’ai été déçu. Personne ne pouvait me donner de l’information. C’est difficile de faire buriner son vélo.»
S’il dit vouloir laisser le choix aux cyclistes, Abdelhaq Sari plaide aussi pour que ceux-ci adhèrent en majorité à la plateforme en ligne Garage 529, déjà utilisée dans une cinquantaine de villes nord-américaines. L’application permet aux cyclistes d’enregistrer leur numéro de série, modèle et caractéristiques propres à leurs vélos pour l’identifier après un vol.
«Moi-même, je me suis fait voler. Tu peux appeler le SPVM, mais tu vas voir que ce n’est pas là-dessus qu’ils vont bouger le plus. Les criminels, ils le savent et trouvent que c’est un crime facile. Il y a un sentiment d’imputabilité.» -Abdelhaq Sari, conseiller dans Marie-Clarac
Demeurant dans Ahuntsic-Cartierville, M. Sari illustre qu’il ne peut personnellement laisser son vélo au métro Crémazie, «parce qu’il n’y a pas de places sécuritaires pour le laisser». «Il y a beaucoup de gens qui, comme moi, renoncent à cette mobilité pour cette raison», argue-t-il.
Vélo Québec reconnaît la nécessité de faire plus
Appelée à réagir, la présidente de Vélo Québec, Suzanne Lareau, reconnaît qu’il est possible de faire beaucoup plus à Montréal.
«Il faut développer plus de vélos-stations, c’est certain, explique-t-elle à Métro. Dans les têtes de ligne de métro, de bus ou de tramway, c’est une bonne idée, mais en même temps, on ne réglera pas le vol de vélos avec des abris sécurisés, d’autant plus que tout ça coûte cher.»
Selon elle, «il manque de stationnement de vélo tout court» dans la métropole. «En ville, sur des artères commerciales, des endroits où les gens peuvent bien barrer leur vélo sur du mobilier urbain solide, il n’y en a pas toujours», plaide Mme Lareau.
Cette dernière estime que Montréal pourrait aussi utiliser l’infrastructure déjà en place.
«D’imaginer des aires de réserve dans des stationnements souterrains, avec des caméras et des gardes à proximité, ça pourrait être une bonne façon d’inciter les employés dans les tours à bureaux à prendre leurs vélos.» -Suzanne Lareau, présidente de Vélo Québec
La présidente de Vélo Québec dit aussi se réjouir de la proposition de l’opposition d’adhérer à Garage 529. «Ça serait une bonne chose. C’est un moyen très actuel avec les données ouvertes pour retracer les vélos. C’est vrai que le burinage a ses limites, donc il faut passer à une autre étape», résume-t-elle.
La Ville de Montréal et le SPVM seraient d’ailleurs en phase «d’évaluation» et d’analyse quant à l’usage d’une telle plateforme en ligne pour le vol de vélos.