Le manque de logements à louer abordables et de taille suffisante peut affecter le développement des enfants et le bien-être des familles, soulève l’Observatoire des tout-petits, qui note que cette problématique se fait particulièrement sentir à Montréal.
Après le Nord-du-Québec, c’est dans la métropole que la proportion de familles vivant dans des logements trop petits et trop chers est la plus élevée au Québec, indiquent des données de Statistique Canada compilées par l’Observatoire des tout-petits.
«Quand on compare les différentes régions [du Québec], on voit que la situation est plus problématique à Montréal», soulève à Métro la directrice de l’organisme, Fannie Dagenais.
Dans la métropole, 21,4% des familles avec des enfants de 0 à 5 ans vivent dans des logements de taille insuffisante, ce qui implique par exemple que les parents doivent dormir dans la même chambre que leurs enfants et que ces derniers ne disposent pas d’assez d’espace pour s’épanouir pleinement dans leur développement et leur apprentissage scolaire. À titre comparatif, cette proportion, en baisse dans l’ensemble du Québec, atteignait 8,2% dans la région de la Capitale-Nationale en 2016.
«Le fait de vivre dans un logement inabordable, ça peut être une grande source de stress dans les familles», ajoute Mme Dagenais, qui note que plusieurs ménages, afin d’être en mesure de payer leur loyer, doivent réduire la taille de leur panier d’épicerie.
Un constat que partage la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal, qui conseille la Ville pour l’aider à prévenir les situations où des familles se retrouvent dans de telles situations.
«C’est certain que d’être dans un logement trop petit va avoir un impact sur le fonctionnement familial», souligne le médecin spécialiste David Kaiser, de la DRSP, qui note que la réussite scolaire des enfants peut notamment être affectée.
«Ça a aussi un impact sur l’achat des médicaments. Il y a des gens qui paient trop cher pour leur loyer qui ne vont peut-être pas renouveler leurs ordonnances le premier juillet.» -David Kaiser
Une crise
Le taux d’inoccupation des logements, actuellement à 1,9% à Montréal, chute à quelque 0,1 et 0,2% dans certains quartiers centraux de la métropole en ce qui a trait aux logements familiaux de trois chambres et plus, selon des données du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).
«On est actuellement dans une situation de crise du logement où se rencontrent le manque d’accessibilité des logements et une crise d’inabordabilité», analyse le chercheur Philippe Hurteau, de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS).
Ce dernier a publié aujourd’hui une note basée sur des données recueillies dans huit villes du Québec, dont Montréal, Gatineau et Québec, qui indique que le taux d’inoccupation des logements a chuté de moitié dans celles-ci entre 2016 et 2018, passant de 4,2 à 2,3%.
«La Ville doit profiter [de la situation actuelle] pour demander aux gouvernement provincial et fédéral de financer la construction de plus de logements sociaux et abordables», réclame la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme, qui note qu’une centaine de ménages montréalais qui comptent déménager d’ici au premier juillet n’ont toujours pas trouvé un appartement libre qui répond à leurs besoins.
La directrice générale de la Société d’habitation et de développement de Montréal, Nancy Shoiry, estime pour sa part que les investissements étrangers dans le marché de l’immobilier devraient être encadrés de façon plus serrée pour éviter que le nombre de logements abordables réduisent en raison de ceux-ci.
«Même les condos abordables sont vendus à des investisseurs étrangers et loués à des prix très élevés dans les quartiers centraux», a-t-elle souligné.
Mardi, en marge d’une conférence de presse, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a refusé de parler de «crise du logement», tout en reconnaissant que la situation actuelle est «particulièrement difficile pour les familles».
Le Conseil des ministres, pour sa part, a adopté mercredi des mesures d’urgence en prévision du dernier sprint de la période des déménagements, notamment l’ajout de 75 unités de supplément au loyer d’urgence dans la province qui permettront à certains ménages de débourser 25% de leurs revenus pour se loger ainsi que l’octroi de subventions additionnelles aux municipalités pour financer des services d’hébergement temporaire.
Règlement d’inclusion
L’IRIS salue d’ailleurs le projet de règlement pour une métropole mixte de la Ville de Montréal, qui obligera dès 2021 tous les projets immobiliers de plus de cinq logements à inclure un minimum de 20% de logements sociaux et une proportion de 10 à 20% de logements familiaux et abordables qui variera en fonction du secteur de l’île.
«Le gouvernement du Québec a aussi la responsabilité d’avoir une politique d’habitation pour voir s’il faudrait que ce soit à la grandeur de la province qu’on oblige la présence de logements abordables dans tous les projets immobiliers», soulève M. Hurteau.
Le projet de règlement de la Ville, qui vise à conserver l’abordabilité des logements à Montréal, pourrait toutefois avoir l’effet inverse, car les promoteurs refileront les coûts supplémentaires qu’impliquera l’application de ce règlement sur leurs projets immobiliers aux locataires, prévient la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).
«Si j’ai plus de contraintes en tant que promoteur, je vais me tourner vers les locataires et je vais leur en demander plus», estime le directeur des affaires publiques de l’organisation, Hans Brouillette, qui craint que cette réglementation ne vienne «freiner l’offre» de nouveaux logements à Montréal en incitant des promoteurs à abandonner certains de leurs projets immobiliers.