Le milieu des affaires et des organismes communautaires divergent quant aux mesures fiscales que la Ville de Montréal devrait mettre en place pour s’attaquer au problème des locaux commerciaux vacants sur les artères de la métropole.
La Commission sur le développement économique a tenu mardi soir une première séance d’audience des mémoires dans le cadre de la consultation sur les locaux commerciaux vacants, laquelle s’échelonnera jusqu’au 21 janvier.
«Je constate que la fiscalité municipale cause une pression très forte sur les commerces, ce qui augmente le [nombre de] locaux vacants», souligne à Métro l’expert en fiscalité municipale, Pierre-René Perrin. L’ancien évaluateur commercial de la Ville fait partie des représentants d’organismes et du secteur commercial qui ont pris part à cette audience, qui s’est tenue à l’hôtel de ville.
En juillet dernier, le taux d’inoccupation moyen des commerces atteignait 15%, ce qui équivaut à 1 000 locaux vides sur 7 000 recensés, selon des données de la Ville. Ce pourcentage grimpe d’ailleurs à 26% sur les rues Saint-Denis et Sainte-Catherine Est, au centre-ville de Montréal.
Fardeau fiscal
Face à ce phénomène qui s’accentue, de nombreuses associations du secteur des affaires réclament une baisse du fardeau fiscal pour les commerçants montréalais.
«En réduisant les dépenses fiscales des commerçants, la Ville permettrait de réduire le seuil de rentabilité des locaux commerciaux montréalais, réduisant ainsi le nombre de fermeture de commerces», affirme dans son mémoire la Fédération canadienne des contribuables (FCC).
Selon un rapport du Groupe Altus publié en octobre dernier, les taxes foncières des commerçants montréalais sont les plus élevées par rapport aux autres grandes villes canadiennes. Celles-ci atteignent 37,98$ par tranche de 1 000$ d’évaluation foncière, ce qui est 57% plus élevé que la moyenne nationale. La charge fiscale des propriétaires de locaux commerciaux de la métropole est d’ailleurs près de quatre fois plus élevée que celle imposée aux propriétaires d’une résidence.
Afin de réduire l’écart, l’administration de Valérie Plante a prévu dans son dernier budget un allègement fiscal de 12,5% pour la première tranche de 625 000$ d’évaluation foncière non-résidentielle. Elle a aussi limité à 1,5% la hausse totale de la taxe foncière des commerces, ce qui est sous le niveau de l’inflation.
«On reconnaît le leadership de la Ville de s’attaquer à cette problématique-là […]. Maintenant, si on continue les augmentations de taxes et qu’on augmente la valeur des immeubles, en bout de piste, le fardeau fiscal continue d’être lourd à porter», souligne le vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, François Vincent, qui presse ainsi la Ville d’abaisser la charge fiscale des commerçants à la «moyenne canadienne».
«Les locaux vacants ont des effets assez néfastes. Il y a des locaux qui sont restés vacants très longtemps et alors, ils sont plus à risque de subir des graffitis. Ça détériore la qualité de vie des résidents.» – Ron Rayside, architecte associé à la firme Rayside Labossière
Taxer les locaux vacants
D’autres organismes, comme Montréal pour tous et le Conseil jeunesse de Montréal, réclament pour leur part l’imposition d’une taxe sur les locaux commerciaux vacants et la création d’un registre visant à les encadrer (assurer l’entretien, etc.).
«Ça pourrait encourager les propriétaires à baisser leurs loyers», a soulevé en consultation Ron Rayside, qui est architecte associé à la firme Rayside Labossière. Dans son mémoire, il propose une taxation «progressive sur la durée de la vacance» des locaux commerciaux.
Une recommandation à laquelle s’opposent plusieurs représentants du milieu des affaires qui prennent part à cette consultation, dont la FCC et l’Institut de développement urbain.
«Il ne faut pas créer une mesure qui pourrait avoir l’effet contraire à ce qu’on recherche», prévient également M. Vincent. Selon lui, une telle mesure pourrait avoir pour effet d’augmenter le coût des loyers commerciaux, aggravant ainsi le phénomène des locaux vacants.
Des membres de la commission permanente ont d’ailleurs soulevé les défis que pourrait représenter l’application d’une telle taxe. Le conseiller Dominic Perri a notamment souligné qu’il serait difficile pour la Ville de distinguer les propriétaires qui laissent leurs locaux vides à des «fins de spéculation» des propriétaires dont les locaux trouvent difficilement preneur.
En tout, une trentaine d’organismes et de citoyens prendront part à la consultation. Par la suite, la commission fera des recommandations à la Ville afin qu’elle décide des solutions à prendre dans le dossier des locaux commerciaux vacants.