L’ancien maire de Montréal, Michael Applebaum, n’aura pas à remettre les 268 000$ en allocations de départ et de transition que la Ville lui a versées en 2013, au moment de sa démission. Et ce, même s’il a été condamné pour corruption, abus de confiance et fraude.
C’est du moins ce que vient de trancher la Cour supérieure, dans un jugement rendu public lundi. Le tribunal conclut que l’action de la Ville doit être rejetée en raison du fait que les gestes reprochés à Applebaum ont été commis avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle disposition de la Loi sur le traitement des élus municipaux.
En effet, le cadre légal régissant le paiement des élus municipaux prévoit, entre autres, que «la personne qui a reçu une allocation de départ ou une allocation de transition doit la rembourser à la municipalité si, subséquemment, elle est déclarée inhabile, par jugement passé en force de chose jugée, à exercer la fonction de membre du conseil».
Or, cet article est entré en vigueur en 2016, alors que Michael Applebaum a démissionné en 2013. Une décision inverse aurait eu pour effet d’aller «à l’encontre de la primauté du droit», a illustré le juge Serge Gaudet. Le magistrat donne donc raison sur le fond à l’avocate de Michael Applebaum, Anamaria Natalia Manole. Celle-ci avait insisté en novembre dernier sur le fait que cette loi ne s’applique pas au cas de son client.
«On est assez confiants, puisque comme je vous disais, il n’y a aucune indication que la loi devrait s’appliquer de façon rétroactive. Elle ne s’applique pas à lui, avait-elle indiqué. Je crois qu’il a purgé sa peine. C’est une tentative de la Ville de le punir encore, mais cette loi n’existait pas au moment où il a reçu les allocations.»
Montréal déçue
Appelée à réagir, la mairesse de Montréal Valérie Plante s’est dite «contrariée» par la décision de la Cour, lundi.
«On va demander à nos équipes d’avocats d’étudier le jugement pour voir s’il y a d’autres recours possibles», a-t-elle assuré, affirmant toutefois qu’il est trop tôt pour savoir si la Ville ira en appel dans ce dossier.
D’après la mairesse, ce genre de décision «marque les esprits» et envoie un message négatif à la population «comme quoi tu peux poser un acte criminel, et t’en sortir». «Je suis déçue de penser qu’une personne reconnue coupable de fraude puisse toujours profiter des indemnités que les Montréalais lui ont versé», a renchéri Mme Plante.
«Il y a beaucoup de cynisme qui entre autres vient de cette période où il y a eu beaucoup de corruption et de collusion, ici à Montréal. On s’en sortis de peine et de misère […]. Donc, pour moi, toutes les opportunités sont bonnes pour dire aux citoyens que leur argent est important, qu’on veut le dépenser là où c’est pertinent.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Peu importe la suite dans cette affaire, Mme Plante promet d’ailleurs de «se battre pour aller chercher cet argent-là». Pour le moment, l’administration Plante «ne fera pas d’autres commentaires», le processus demeurant judiciarisé.
En plus de ne pas pouvoir être remboursée, Montréal devra aussi payer pour les frais de justice. La Ville réclamait un remboursement en deux temps. Soit celui de 108 000$ en allocations de départ et un autre de 160 000$ pour les montants de transition versés à Applebaum.
La Cour a conclu à ce sujet qu’il n’y avait «pas de distinction à faire» entre les deux sommes.
Les faits
Michael Applebaum avait été déclaré coupable le 26 janvier 2017 de huit des 14 chefs d’accusation pour lesquels il avait été accusé, dont fraude contre le gouvernement et complot pour commettre une fraude. Peu après, le 30 mars, il a été condamné à 12 mois de prison ferme et deux ans de probation.
Lorsqu’il était maire de l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, Michael Applebaum a reçu des pots de vins de la part de promoteurs immobiliers et d’un ingénieur dans le but d’obtenir un traitement favorable envers leur projet. C’est son bras droit, Hugo Tremblay, qui aurait recueilli les quelques 30 000$ qui était destinés à M. Applebaum entre 2006 et 2011.
Il a été arrêté par l’Unité permanente anticorruption (UPAC) en juin 2013. Les faits reprochés se sont déroulés entre 2006 et 2011.