La réduction progressive du nombre de postes de quartier au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) se fait pour des raisons financières et au détriment des citoyens, déplore un ancien policier, qui craint l’affaiblissement du modèle de «police de proximité».
Mardi dernier, le SPVM a confirmé que les postes de quartier (PDQ) 9 et 11 seront fusionnés l’automne prochain. Le quartier Notre-Dame-de-Grâce perdra alors son PDQ, qui sera annexé à celui de Côte-Saint-Luc, plus à l’ouest.
L’inspecteur et chef de la division des communications du SPVM, André Durocher, a par ailleurs assuré que d’autres fusions de PDQ auront lieu, «peut-être cette année ou l’an prochain». Par exemple, ce pourrait être le cas dans l’Est de l’île.
Ces fusions, affirme le SPVM, ont lieu «dans un souci d’efficience».
«Je ne le crois pas. […] Ils ne sont pas plus efficaces. C’est une question de rationaliser les coûts, c’est juste ça», a réagi l’ancien inspecteur au SPVM Guy Ryan, en entrevue avec Métro.
Depuis la fin des années 1990, le nombre de PDQ est passé de 49 à 31, en excluant la fusion à venir dans Côte-Saint-Luc.
Police de proximité
M. Ryan, qui a oeuvré pendant près de 30 ans au sein du corps de police, a connu «les deux systèmes», soit la période avant la création de la «police de proximité» au SPVM et celle qui a suivi.
C’est une poursuite policière qui a été l’élément déclencheur de cette vaste réforme. Le chauffeur de taxi Richard Barnabé est décédé en 1996 après un long coma de 28 mois qui avait suivi une arrestation musclée en 1993. Plusieurs policiers avaient alors été suspendus.
Cette intervention avait incité le corps de police, alors sous la gouverne de Jacques Duchesneau, à entamer un vaste processus de consultations publiques afin de revoir son fonctionnement. On voulait, en somme, que la police agisse davantage en mode prévention, près des citoyens, au lieu d’adopter une méthode répressive. De là est venue la décision d’abolir les 24 postes de l’époque pour en créer 49 de plus petite taille, répartis un peu partout dans la métropole.
«Le but de l’exercice de la police de quartier, c’était le rapprochement avec le citoyen, rappelle M. Ryan. Maintenant, ça va faire un peu plus comme avant, ça va être des réponses aux appels et une réponse plus directe.»
«Le style de police, celui de proximité, va diminuer un peu, c’est inévitable.» -Guy Ryan, ancien inspecteur au SPVM
Inquiétudes
Ce retour progressif vers l’ancien modèle du SPVM inquiète l’élu de Montréal-Nord Abdelhaq Sari, membre du parti d’opposition Ensemble Montréal, qui est aussi vice-président de la Commission de la sécurité publique de la Ville.
«Les centres communautaires s’habituent aux agents, créent un lien de confiance. Et chaque poste de quartier s’adapte aux besoins de chaque quartier. À Montréal-Nord, les besoins ne sont pas les mêmes qu’à Ahuntsic», souligne-t-il.
L’élu craint que son arrondissement, qui ne dispose que d’un seul PDQ depuis une fusion en 2008, n’écope du même sort que celui qui attend Notre-Dame-de-Grâce.
«[Le SPVM] pourrait toucher à n’importe quel quartier», laisse tomber l’élu. Ce dernier entend d’ailleurs faire pression sur l’administration de Valérie Plante lundi ou mardi, en séance du conseil municipal. Il compte demander à la mairesse de justifier la voie prise par le SPVM.
Mardi dernier, dans une déclaration à Métro, la responsable de la sécurité publique à la Ville, Rosannie Filato, a affirmé que ces fusions visent à «prioriser les services directs rendus aux citoyens».
Or, souligne M. Sari, le SPVM n’a présenté aucun rapport qui explique dans quelle mesure ces fusions permettront d’atteindre cet objectif. Le Plan stratégique 2020 du SPVM, qui fait entre autres état des enjeux financiers du corps de police, ne fait aucune mention de la réduction du nombre de PDQ.
«Ça change la relation entre la police et les citoyens quand la police n’est pas présente dans la communauté», estime également le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand.
Trop de PDQ, selon le syndicat
Interpellée par Métro, la Fraternité des policiers de Montréal a rappelé par courriel qu’au moment de la création de la police de quartier, «la Fraternité estimait que c’était trop de postes pour le nombre de policiers et policières».
Le syndicat avait alors «évalué un nombre plausible de postes à 27», a indiqué son porte-parole, Martin Desrochers.