Malgré la crise du coronavirus, qui malmène l’économie et le secteur immobilier, la Ville de Montréal n’entend pas retarder l’entrée en vigueur de son nouveau règlement d’inclusion de logements sociaux dans les projets immobiliers de la métropole.
Ce projet de règlement, qui a fait l’objet d’une consultation de septembre à octobre, vise à remplacer la stratégie d’inclusion actuelle de la Ville. Celui-ci prévoit de réclamer aux promoteurs immobiliers d’inclure jusqu’à 20% de logements sociaux, 20% de logements familiaux et 20% de logements abordables dans leurs projets. Son entrée en vigueur est prévue en janvier 2021.
«Il n’y a pas de délais prévus pour l’instant», assure à Métro l’attachée de presse du comité exécutif, Laurence Houde-Roy.
L’OCPM complète son rapport
Le 19 mars, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a mis sur pause ses activités publiques en raison de la pandémie. L’organisme paramunicipal continue toutefois ses activités à l’interne. Ainsi, la Ville devrait recevoir «d’ici un mois» le rapport attendu de l’OCPM qui contiendra ses différentes recommandations sur ce règlement, communément appelé «20/20/20», a appris Métro.
Le contenu de ce rapport demeure pour l’instant confidentiel. Des voix s’élèvent toutefois déjà dans le secteur immobilier pour presser la Ville de mettre sur la glace l’application de ce règlement d’inclusion alors que la crise du coronavirus malmène l’économie de la métropole.
«À la base, on demandait de modifier le règlement. Maintenant, on privilégie de retarder son application en raison de la crise actuelle afin de faciliter la relance», souligne le directeur du service économique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation au Québec (APCHQ), Paul Cardinal.
Relance économique
L’an dernier, à la suite de la présentation de ce projet de règlement, différentes associations représentant des promoteurs immobiliers ont soulevé des craintes que l’application de celui-ci fasse hausser le prix des condos et des loyers. Des promoteurs pourraient aussi décider de migrer vers la banlieue, ce qui pourrait limiter l’offre de logements dans la métropole.
«Ça va accentuer la rareté [de logements] parce que ça pourrait déplacer l’offre ailleurs», souligne le directeur des affaires publiques à la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, Hans Brouillette.
Alors que la Ville présentera le mois prochain son plan de relance économique sur un horizon de 12 à 18 mois, l’APCHQ craint donc que ce règlement ne nuise justement à l’atteinte de cet objectif.
«On trouve que dans le cadre d’une relance, il faut faire les choses rapidement et enlever le plus que possible d’embûches. Il ne faut pas ralentir [le marché immobilier] dans un contexte de relance», souligne M. Cardinal.
«Ça pourrait faciliter une situation où il y aurait une pénurie de logements à moyen terme.» -Paul Cardinal, directeur du service économique à l’APCHQ
À l’opposée, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) presse la Ville de bonifier ce règlement. Pendant la consultation de l’OCPM, l’automne dernier, des organismes avaient proposé d’exiger jusqu’à 40% de logements sociaux dans les projets immobiliers de la métropole.
«C’est encore plus urgent [de bonifier ce règlement]. Dans une situation de crise, le filet social devient encore plus important», souligne la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme.
Un projet immobilier en suspens
La suspension des audiences publiques de l’OCPM vient retarder la réalisation d’un projet immobilier du promoteur Peter Sergakis au centre-ville de Montréal. Une séance d’information devait avoir lieu le 30 mars sur ce projet, qui prévoit l’aménagement de 200 logements sur la rue Sainte-Catherine Ouest dans le secteur patrimonial du Village Shaughnessy, mais celle-ci a été reportée.
«Si la pandémie dure des mois, on va perdre des millions additionnels à cause de ça», déplore le promoteur Peter Sergakis. Pendant ce temps, celui-ci continue à payer des frais fixes pour les trois immeubles situés sur le site qu’il souhaite démolir. Il assure toutefois que cela ne compromet pas la réalisation de son projet.
L’OCPM ignore quand cette consultation pourra reprendre. Elle souligne toutefois que l’organisme met généralement sur pause ses audiences publiques pendant l’été.