La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a présenté jeudi une nouvelle mouture de son règlement d’inclusion en matière de logement, communément appelé «20/20/20», qui entrera en vigueur trois mois plus tard que prévu.
«Les prix [des logements] ont doublé dans les quartiers centraux au cours des cinq dernières années», a souligné Mme Plante, jeudi, lors d’une conférence de presse à l’hôtel de ville. Une tendance que souhaite «freiner» la Ville, a-t-elle ajouté.
Le projet de règlement pour une métropole mixte, qui polarise les promoteurs et les groupes communautaires de la métropole, vient d’une promesse électorale de Projet Montréal. En 2017, le parti avait promis d’exiger l’inclusion de 20% de logements sociaux et de tout autant de logements abordables et familiaux dans les projets immobiliers à Montréal.
L’administration municipale a toutefois présenté une version plus souple de ce projet de règlement en juin 2019. Tout en continuant de réclamer 20% de logements sociaux dans les projets immobiliers ayant une superficie d’au moins 450m2, le pourcentage est devenu plus flexible pour les logements familiaux et abordables, variant d’un secteur à l’autre de Montréal. Les promoteurs immobiliers pourront aussi contourner ces exigences en offrant des terrains ou une contribution financière à la Ville afin d’aider cette dernière à réaliser elle-même des projets de logements sociaux.
Trois mois de retard
La nouvelle mouture du règlement, présentée jeudi, se veut encore moins contraignant. Elle vient ainsi concentrer ses exigences en matière de logements abordables dans les secteurs en densification. Il s’agira, dans un premier temps, d’un secteur de l’Île-des-Soeurs et de Saint-Laurent. D’autres secteurs en développement s’ajouteront ensuite progressivement. Ce sera notamment le cas de Lachine-Est, du quartier des Faubourgs et, éventuellement, du site de l’ancien hippodrome Blue Bonnets.
«Le volet abordable s’appliquera donc progressivement avec le développement de nouveaux marchés immobiliers et de nouveaux quartiers pour s’assurer que Montréal se développe de façon inclusive et mixte», a affirmé Mme Plante.
Dans les secteurs ciblés, la construction de 10 à 20% de logements abordables sera obligatoire, tandis que les promoteurs dans les autres secteurs pourront se contenter d’offrir une contribution financière à la Ville.
Moins d’impacts sur les promoteurs
La Ville entend ainsi limiter les impacts du règlement sur les promoteurs immobiliers. L’administration municipale évalue d’ailleurs que ce règlement fera hausser de 0,8 à 1,9% les coûts de construction des projets immobiliers, soit deux fois moins que ce qu’anticipait la Ville l’an dernier.
«Le problème à Montréal, c’est que ça coûte trop cher. Et sa réponse [à la Ville], c’est d’augmenter les prix. On ne prend pas le bon chemin», a réagi à Métro jeudi le PDG de l’Institut de développement urbain du Québec, Jean-Marc Fournier.
Le vice-président aux affaires publiques de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec, François Bernier, affirme par ailleurs que la hausse des coûts de construction envisagée, bien que réduite, pourrait tout de même «désavantager» Montréal en incitant des acheteurs et des développeurs immobiliers à se tourner vers la banlieue.
«Les promoteurs de la Rive-Nord et de la Rive-Sud vont accueillir à bras ouverts les promoteurs qui auraient normalement fait des projets à Montréal», a ainsi lancé le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez.
Mme Plante a par ailleurs annoncé jeudi qu’elle reporte la date d’entrée en vigueur de ce règlement au 1er avril 2021, soit trois mois plus tard que prévu. La veille, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, avait pressé la Ville de mettre ce règlement sur pause pour limiter ses impacts sur le marché immobilier.
«Depuis le début, on veut avoir un règlement qui est viable […] Je pense qu’on a trouvé un bon équilibre.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Définir le logement abordable
Après avoir sondé la population, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a déposé en mai un rapport qui émet plusieurs recommandations destinées à la Ville sur ce projet de règlement.
Dans ce document, l’OCPM demandait notamment à la Ville de mieux définir ce qu’est un logement «abordable». Plusieurs groupes communautaires ont en effet critiqué le manque de clarté de la définition de la Ville pour ce type de logement.
Dans un document explicatif mis en ligne l’an dernier, la Ville prévoyait que le prix plafond d’un logement abordable de deux chambres au centre-ville serait de 325 000$. Son loyer maximal serait pour sa part de 1440$ dans les quartiers centraux et de 990$ en périphérie.
En réponse à cette critique, la Ville a révisé sa définition d’un logement abordable. Il s’agira désormais d’une unité vendu ou mis en location à 90% de sa valeur marchande, a indiqué M. Beaudry. Un contrôle des prix sur ces unités s’appliquera d’ailleurs pendant 30 ans afin de prévenir la spéculation immobilière.
Ainsi, la Ville estime que ce règlement contribuera à la création de 600 logements sociaux et de 500 logements familiaux par année à Montréal.
«C’est trop peu pour répondre aux besoins», tranche la responsable des dossiers montréalais au Front d’action populaire en réaménagement urbain, Catherine Lussier, qui aurait souhaité voir la cible de logements sociaux de la Ville être revue à la hausse.
En 2019, le taux de logements familiaux disponibles sur le marché locatif du Grand Montréal a chuté à 0,7%, contre 1,5% pour l’ensemble des appartements à louer.