Le rapport de l’ex-juge Pepita G. Capriolo sur l’ex-prêtre Brian Boucher, condamné à huit ans de prison pour l’agression sexuelle de deux mineurs, a été rendu public mercredi. Celui-ci égratigne l’Archidiocèse de Montréal, entre autres institutions.
«Le secret a dominé l’histoire de Boucher», écrit la juge.
Dans son rapport détaillé de 283 pages, l’ex-juge Pepita G. Capriolo affirme que de nombreuses occasions d’enquêter sur le comportement de Boucher et d’y mettre un terme ont été ratées.
Selon la juge, les excuses courantes de «je n’étais pas en charge», «ce n’était pas mon département» ainsi que «je suivais les ordres» ont été évoquées pour justifier le silence, ou encore l’inaction.
L’Église montréalaise était au courant. Et notamment l’ex-bras droit du cardinal Jean-Claude Turcotte, Mgr Anthony Mancini. Ce dernier a été informé à plusieurs reprises de comportements suspects, à caractère sexuel.
La juge évoque des «avances sexuelles indésirées» envers un jeune homme de 18 ans, «ignorées et ensuite effacées de la mémoire écrite collective de l’Église».
Rappelons que Monseigneur Christian Lépine, archevêque de Montréal, a mandaté la juge Capriolo en 2019 pour enquêter sur «qui savait quoi quand» au sujet des gestes posés par Brian Boucher. Pour ce faire, la juge Capriolo a eu accès à des centaines de documents, dont certains secrets, et a interviewé plus de 60 témoins.
Une absence d’imputabilité
Selon la juge Capriolo, «l’absence d’imputabilité» des personnes impliquées dans l’éducation, la formation et la carrière de Boucher «figure au premier rang» des causes.
Selon elle, plusieurs personnes «se sont lancé la balle», sans jamais se charger des plaintes reçues.
Au fil des années, de nombreuses personnes s’étaient pourtant plaintes du comportement «inacceptable» de Boucher. Elle détaille: «de son impolitesse, son autoritarisme, sa trop grande intensité, son intransigeance, son homophobie, sa misogynie, son racisme, ses agressions verbales, voire même physiques».
Ces plaintes avaient été rapportées à ses supérieurs à répétition.
Un seul geste fut posé: envoyer Boucher pour des évaluations psychologiques. Notamment après sa relation abusive envers un jeune étudiant de 19 ans sous sa tutelle.
La juge Capriolo déplore une évaluation psychologique «extrêmement vague» de Boucher, faite par l’institut Southdown en 2003. Celle-ci a contribué à écarter l’idée qu’il puisse être un abuseur d’enfants.
De plus, selon elle, le comité aviseur en matière d’abus sexuels de mineur mis sur pied par l’Archidiocèse n’a servi à rien.
Un intérêt malsain pour les jeunes garçons
Selon le rapport, des rumeurs au sujet de l’intérêt malsain de Brian Boucher envers de jeunes garçons ont commencé à circuler dès les années 1980, alors qu’il était dans sa vingtaine.
À la fin des années 1990, on a observé Boucher entretenir une relation «intime et inquiétante», écrit la juge, avec un jeune garçon. Mais également, plus tard, en 2002. À deux reprises.
Ce n’est qu’en décembre 2015 qu’une enquête a mené à ses procès criminel et canonique.
Pendant son congé d’études, Boucher a dit avoir été abusé sexuellement par un jeune collègue prêtre. Après enquête, on a constaté qu’il n’était pas la victime, mais l’agresseur.
Notons que jusqu’en 2016, personne n’avait allégué avoir été victime d’abus sexuel pendant sa minorité de la part de Boucher. Et aucun parent n’avait porté une telle accusation à ses supérieurs.
La juge déplore au passage que le protocole existant en matière de plaintes soit «long et trop complexe.»
Une trentaine de recommandations
L’objectif du rapport était également de formuler des recommandations à l’Archidiocèse de Montréal. Et ce, afin que de tels comportements ne puissent pas se reproduire. Ce rapport en contient 31.
Parmi elles, la juge Capriolo recommande la désignation claire d’une personne responsable d’enquêter à chaque étape de la carrière d’un prêtre, de son entrée au séminaire à sa retraite.
Selon elle, la personne désignée ne devrait pas limiter ses enquêtes aux cas d’abus sexuels sur des mineurs.
En effet, selon la juge, c’est «la séparation artificielle des problèmes d’abus sexuels sur les mineurs, des autres fautes graves» qui a permis à Boucher d’échapper aux conséquences de son comportement prédateur et abusif de deux jeunes hommes.
Autre constat: l’Archidiocèse doit créer un organigramme organisationnel clair et bien défini en termes d’imputabilité avec délégation de pouvoir.
«Il ne devrait plus être possible de se renvoyer la balle entre les départements au motif que A n’est pas responsable devant B», écrit-elle.