La Ville de Montréal refuse de commencer «immédiatement» à munir ses policiers de caméras portatives, en reportant au mois prochain une motion en ce sens mise de l’avant par l’opposition officielle.
Mardi après-midi, le conseiller d’Ensemble Montréal et vice-président de la Commission de la sécurité publique (CSP), Abdelhaq Sari, a présenté une motion en séance du conseil municipal. Celle-ci demande à la Ville d’entamer «immédiatement» l’implantation des caméras portatives sur les policiers de la métropole et d’adapter son budget en conséquence.
Selon le conseiller, «l’urgence d’agir» dans ce dossier se justifie par la dégradation de la confiance du public envers le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans les dernières semaines. Une situation qui est notamment attribuable à l’arrestation et à l’emprisonnement de Mamadi III Fara Camara, faussement accusé de tentative de meurtre à l’endroit d’un policier, à la fin janvier.
«Les événements tragiques de ces derniers jours impliquant M. Camara montrent qu’on doit agir de façon urgente […] On a déjà vu l’impact que cela a de ne pas aller de l’avant avec cette technologie», a laissé tomber M. Sari, qui estime que les caméras portatives font partie des solutions à prioriser pour lutter contrer le profilage racial et social au SPVM.
À New York, l’ensemble des patrouilleurs disposent de caméras portatives depuis 2018, tandis qu’à Toronto, près de 2000 policiers ont incorporé cette technologie à leur équipement l’été dernier.
«La Ville de Montréal a les moyens de redonner la confiance de la population montréalaise envers les policiers. Elle doit agir.» -Abdelhaq Sari, conseiller d’Ensemble Montréal
Motion reportée
Au terme de l’analyse d’un projet pilote mené par le SPVM en 2016, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, avait semblé fermer la porte aux caméras portatives, en février 2019. Le rapport du projet pilote concluait que des dépenses importantes seraient nécessaires pour munir tous les policiers de cette technologie. Il faudrait aussi embaucher de nombreux employés pour analyser la quantité massive d’images captées par ces caméras.
L’administration a toutefois montré plus d’ouverture depuis à la possibilité de munir ses policiers de cette technologie, qui s’est améliorée dans les dernières années.
Mardi, le leader de la majorité, François Limoges, a d’ailleurs affirmé que l’administration Plante est en faveur de cette motion. Des amendements à ce document sont toutefois nécessaires avant d’en faire une «déclaration conjointe», a précisé l’élu de Projet Montréal.
M. Limoges a donc réclamé le report de cette motion à la prochaine séance du conseil municipal, le 22 mars. Une décision que M. Sari a qualifié «d’inacceptable», mardi.
La décision de l'administration de reporter la motion pour l’implantation des caméras portatives au @SPVM est inacceptable. Les caméras sont un outil pour redonner la confiance des Montréalais-es envers le #SPVM. Il faut arrêter de pelleter par en avant. #polmtl #Profilage #spvm
— Abdelhaq Sari conseiller de ville Montréal Nord (@sari_ab) February 23, 2021
Pas d’enquête publique sur l’affaire Camara
Le 9 février, le gouvernement Legault a annoncé la tenue d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur l’arrestation et la détention de Mamadi III Fara Camara. Celle-ci a été confiée au juge de la Cour supérieure du Québec et ancien directeur des poursuites criminelles et pénales, Louis Dionne.
Il s’agit toutefois d’une enquête à huis clos, soulignait Ensemble Montréal dans une motion déposée mardi. Le document invitait donc la Ville à demander «formellement» à Québec de rendre cette enquête «publique». Une mesure nécessaire pour rétablir la «confiance» de la population envers la police, selon le chef intérimaire du parti d’opposition, Lionel Perez.
La motion demandait aussi au directeur du SPVM, Sylvain Caron, de se présenter devant la CSP «pour éclaircir les circonstances entourant l’arrestation et la détention de M. Camara». Le président de cette commission, Alex Norris, a toutefois rétorqué mardi que la CSP ne traite pas «les cas individuels» et se penche plutôt sur des enjeux plus généraux, comme les interpellations policières. «Je crois qu’on doit conserver cette tradition», a dit l’élu de Projet Montréal, qui craint par ailleurs que cette commission «empiète» sur le travail du juge Dionne.
Finalement, l’opposition officielle a retiré sa motion, affirmant que l’administration municipale souhaitait lui imposer trop de changements. «Pour nous, les amendements proposés ne sont pas adéquats», a déclaré M. Perez.
Selon nos informations, l’administration de Valérie Plante souhaitait notamment retirer la demande de rendre cette enquête publique. Cela aurait alors rendu cette motion caduque, a jugé l’opposition, qui a donc préféré retirer celle-ci.